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Le Messie dans le Coran [1]
Il y a peu de temps, Robert Schroeder a fait une révision-augmentation de son petit livre Le Messie de la Bible (Editeurs de la Littérature Biblique, 1974). La nouvelle édition (Emeth - Le Berger d’Israël, 2010) a été augmentée de plusieurs chapitres, dont les controverses christologiques et la parousie dans l’AT, le NT et le Coran. Nous aimerions le recommander très chaudement. Pour en donner un avant-gôut, nous reproduisons ici le chapitre sur le Messie dans le Coran. Le but n’en est pas de polémiquer avec qui que ce soit, mais de montrer que le Coran, pour qui Jésus est un prophète majeur, pourrait ne pas être aussi opposé que ça à ce que nous dit la Bible et d’encourager nos amis musulmans à pousser plus loin leur connaissance de Jésus en prenant également en compte le témoignage de la révélation de Dieu telle qu’'elle est donnée dans la Bible.
Le Coran fait obligation aux Musulmans de croire en la
Bible. Pour autant, le Coran, lui aussi, contient de nombreux textes sur Jésus-Christ (Issa al
Massih [2]).
Le Coran attribue à Issa des prérogatives et des
titres extraordinaires, attribués à aucun autre être humain, ni à aucun autre prophète.
A.
Les affirmations coraniques au sujet du Messie
A1. La naissance
virginale
"Comment, répondit-elle (Marie) aurai-je un fils ? Nul homme ne s’est
approché de moi..." [3].
A2. Il est un
Prophète de Dieu
"... Le Messie, Jésus fils de Marie, est l’Apôtre (le Prophète) de Dieu et son verbe (kalima) qu’il jeta dans Marie : il est un esprit venant de
Dieu..." [4].
A3. II est proche de
Dieu
"Les anges dirent à Marie : Dieu t’annonce son Verbe. Il se nommera le Messie,
Jésus fils de Marie, honoré dans ce monde et
dans l’autre, et un des confidents de Dieu" [5].
A4. II est sans
péché
"... il sera du
nombre des justes." [6].
"Il (l’ange) répondit (à Marie) : Je suis l’envoyé de ton Seigneur, chargé de te donner un
fils saint" [7].
A5. Le Messie est
Jésus [Issa]
"Les anges dirent à Marie : Dieu t’annonce son Verbe. Il se nommera le Messie,
Jésus fils de Marie..." [8].
A6. C’est un
thaumaturge
"II lui enseignera
le livre et la sagesse, le Pentateuque et l’Evangile. Jésus sera son envoyé auprès des enfants d’Israël. Il leur
dira : Je viens vers vous accompagné de signes du Seigneur; je formerai de
boue la figure d’un oiseau; je soufflerai dessus, et par la permission de Dieu,
l’oiseau sera vivant; je guérirai l’aveugle de
naissance et le lépreux; je
ressusciterai les morts par la permission de Dieu; je vous dirai ce que vous
aurez mangé et ce que vous aurez caché dans vos
maisons..." [9].
Certains des miracles que
mentionne le Coran ne se trouvent pas dans les Evangiles, mais
dans certains écrits apocryphes, en particulier l’animation d’une figurine
d’argile. Mais dans le récit de ce miracle,
le Coran utilise le verbe "créer" (“halaqa") qui, ailleurs dans le Coran, a toujours
pour sujet Allah.
A7. Il est un
Esprit émané de Dieu
"Le Messie, Jésus fils de Marie, est l’Apôtre de Dieu et son
verbe qu’il jeta dans Marie : il est un esprit venant de Dieu" [10].
"Nous soufflâmes notre esprit à celle qui a
conservé sa virginité; nous la constituâmes, avec son fils, un signe pour l’univers" [11].
"Et Marie, fille d’Amran,
qui a conservé sa virginité. Nous lui inspirâmes une partie de notre esprit. Elle a cru aux paroles du
Seigneur, aux livres qu’il a révélés, et elle était obéissante." [12].
A8. II est un
Verbe [kalima] émanant de Dieu
“Dieu t’annonce la
naissance de (Iahia) Jean, qui
confirmera la vérité du Verbe de Dieu; il sera grand, chaste et un des
plus vertueux prophètes." [13].
"Les anges dirent à Marie : Dieu t’annonce son Verbe. Il se nommera le
Messie, Jésus fils de Marie, honoré dans ce monde et
dans l’autre, et un des confidents de Dieu." [14].
"...Le Messie, Jésus fils de Marie, est l’Apôtre de Dieu et son
verbe qu’il jeta dans Marie : il est un esprit venant de Dieu..." [15].
Dans les textes
ci-dessus, Jésus est qualifié de Parole ou
Verbe (kalima) de Dieu. Le mot Parole (kalima) désigne, soit une prérogative immanente à la nature divine,
soit une faculté extrinsèque de Dieu.
Si l’on admet cette dernière acception, le texte coranique signifierait qu’Allah aurait transféré une de ses facultés à Jésus, ce qui l’aurait
alors amputé de cette faculté; cela est
inconcevable, puisque Dieu serait alors incomplet.
Mais, si (kalima) désigne un attribut
intrinsèque, cela signifie qu’il fait partie de l’essence divine, et
cela de toute éternité. Alors, le texte
coranique signifie que la Parole éternelle s’est
incarnée en Jésus-Christ, ce qui
rejoint la doctrine chrétienne.
La "Parole jetée en Marie" et "l’Esprit émanant de lui" sont des expressions équivalentes. Or, selon XXI 91 (91) et LXVI 11 (12) ci-dessus,
l’Esprit insufflé n’est pas un
esprit créé au moment de l’insufflation. L’Esprit est une réalité immanente à Dieu, donc éternelle comme
Dieu. En l’insufflant à Marie, c’est Dieu
lui-même qui se communique pour opérer l’incarnation.
Toute autre interprétation bute à des difficultés insurmontables.
B.
Les apparentes divergences entre Coran et Bible
B1. La filialité
divine de Jésus
"Dis : Dieu est un. C’est
le Dieu éternel. Il n’a point enfanté, et n’a point été enfanté. Il n’a point d’égal." [16].
"Créateur du ciel et de la terre, comment aurait-il un
enfant (walad), lui qui n’a point de compagne...?" [17].
"Louange à Dieu qui a envoyé à son serviteur le Livre, où il n’a point mis
de tortuosités... Un livre destiné à avertir ceux qui disent : Dieu a un fils (walad)" [18].
Le mot arabe pour
"fils" ou "enfant" dans ces textes est walad.
Walad peut avoir un sens masculin tout autant que féminin, singulier tout autant que pluriel, de sorte que la
meilleure traduction serait : "progéniture".
Boubakeur [19]
traduit d’ailleurs, dans ce passage, le mot walad par l’expression : "des enfants".
Ce verset, selon la Sirâ d’Ibn Hischam, faisait allusion
"aux Quraïchites qui adoraient les anges en tant que filles d’Allah". Les contemporains de Muhammad, en effet,
adoraient à côté d’Allah,
plus particulièrement Lat,
Uzza et Manat. [20]
Les textes ci-dessus réfutent une conception polythéiste de
la divinité d’Allah.
En revanche, chez
les polythéistes, Dieu aurait engendré une progéniture (walad)
aux déesses avec lesquelles il aurait eu des relations.
"... Les chrétiens disent : Le Messie est le fils (ibn) de Dieu. Telles sont les paroles de leurs bouches; elles
ressemblent à celles des infidèles d’autrefois.
Que Dieu leur fasse la guerre ! Qu’ils marchent à rebours !" [21]. Pour
autant, ici, le Coran n’affirme pas : Dieu n’a pas de "ibn".
En effet, pour désigner une filiation au sens figuré ou au sens
spirituel, c’est le terme "ibn"
qu’utilisé le Coran. L’expression ibn as-sabil littéralement :
"fils du chemin" signifie : "voyageur" [22]. Dans
le hadith Kudsi, Allah dit : "Les
pauvres seront mes fils (ibn)".
Ibn n’a donc pas le même sens que walad.
Le Coran condamne aussi
une fausse trinité, constitué d’Allah, de Jésus et de Marie :
"Dieu dit alors à Jésus : As-tu jamais dit aux hommes : Prenez pour dieux moi et
ma mère plutôt que le Dieu
unique ? (Ou : à côté du Dieu unique ?)
Loin de ta gloire ce blasphème. Comment aurais-je
pu dire ce qui n’est pas vrai ?..." [23].
"Infidèle (impie, mécréant) est celui qui dit : Dieu est un troisième de la Trinité. Il n’y a point
de Dieu si ce n’est le Dieu unique..." [24].
Cette sorte de trithéisme avait cours dans des sectes apparues au quatrième siècle, celle des
Collyridiens et encore active du temps de Muhammad et celle des Mariamistes. On
retrouve cette fausse doctrine dans quelques écrits apocryphes,
dont la version arabe de l’écrit Passage de la Bienheureuse Vierge
Marie, et dans l’Evangile des Hébreux, également
apocryphe.
Ce n’est pas la trinité – mieux : la tri-unité biblique – qui
est condamnée ici, mais celles de soi-disant chrétiens ayant une
fausse christologie. Si les authentiques chrétiens étaient, pour le Coran, réellement dans l’hérésie, celui-ci n’aurait
pas déclaré que les gens du Livre [25] avaient en commun avec les Musulmans, les révélations et le même Dieu.
"Dites : Nous
croyons en Dieu et à ce qui a été envoyé d’en haut à nous, à Abraham et à Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux douze tribus, aux livres qui ont été donnés à Moïse et à Jésus, aux livres accordés aux prophètes par le Seigneur; nous ne mettons point de différence entre eux, et nous sommes résignés à la volonté de Dieu... Dis-leur : Disputerez-vous avec nous de Dieu ?
Il est notre Seigneur et le vôtre..." [26].
En réalité, l’authentique tri-unité transparaît dans le Coran.
"... nous
avons accordé à Jésus, fils de Marie, des signes manifestes (de sa mission), et
nous l’avons fortifié par l’esprit
de la sainteté (ar-Rûh-ul-qudus ou Saint-Esprit)..." [27].
Ce verset est littéralement répété en II 254 :
"Il (Allah)
dira à Jésus, fils de Marie : Souviens-toi des bienfaits que j’ai
répandus sur toi et sur ta mère lorsque je t’ai
fortifié par l’esprit de la sainteté..." [28].
En III 25 (26), Dieu est
invoqué sous le nom de Allahumma,
forme calquée sur le mot hébreu : Elohim, pluriel d’Eloah. Cette même invocation : Allahumma
est mise dans la
bouche de Jésus en V 114 (114). Si l’on refuse de voir en cette
invocation Allahumma un pluriel, on se perd en conjectures. Boubakeur le reconnaît quant il écrit que, sur l’origine
et la formation de cette expression invocatoire "les grammairiens et les
commentateurs se sont longuement étendus sans
apporter une réponse décisive".
De plus, dans de très nombreux passages, quand Allah parle, il utilise le pronom : nous.
Une saine exégèse coranique révèle que la
christologie coranique et la christologie néotestamentaire ne
sont pas très dissemblables.
B2. La mort de
Jésus contestée...
Un seul verset du Coran, adressé aux juifs, semble
mettre en doute la mort de Jésus à la croix :
"Ils disent : Nous
avons mis à mort le Messie, Jésus fils de Marie,
l’Apôtre de Dieu. Non, ils ne l’ont point tué, ils ne l’ont
point crucifié; un autre individu qui lui ressemblait lui fut substitué : ... Ils ne l’ont point tué réellement. Dieu l’a élevé à lui, et Dieu est
puissant et sage." [29]
La phrase soulignée, traduite par Kasimirski "un autre individu qui lui
ressemblait lui fut substitué", littéralement : "cela leur est seulement apparu ainsi",
a été traduite par
ailleurs diversement : Savary écrit : "un
corps fantastique a trompé leur
barbarie"; Blachère parle d’un
"sosie"; Chouraqui écrit que "c’était seulement quelqu’un d’autre qui, pour eux, lui
ressemblait"; René R Khawan écrit : "quelque chose de semblable leur est apparue"; pour Si Hamza Boubakeur : “ce n’était
qu’un
faux-semblant".
Une première question se
pose. Qui a été substitué à Jésus ? Qui était ce sosie ? Il règne un grand
désaccord parmi les interprètes musulmans. Pour les uns ce serait un disciple
de Jésus; pour d’autres, un émissaire des Juifs; pour d’autres encore Judas le
traître; ou même un hypocrite...
L’hypothèse d’une
substitution au moment de la crucifixion n’est pas péremptoire, et cela pour
plusieurs raisons.
Premièrement, le texte
arabe traduit mot à mot donne : "il lui fut ressemblé pour eux (walakin subbiha lahum)". Il n’est pas
question ni d’un autre substitué,
ni d’un sosie ou d’un corps fantastique.
Deuxièmement, le Coran
n’exclut pas du tout la possibilité, pour Jésus, de mourir : "... nous
avons accordé à Jésus, fils de Marie, des signes manifestes (de sa mission), et
nous l’avons fortifié par l’esprit de la sainteté. Toutes les fois que les
envoyés du Seigneur vous apporteront une doctrine qui heurte vos passions, leur
résisterez-vous orgueilleusement, en accuserez-vous une partie de mensonge, et massacrerez-vous
les autres ?" [30].
"Dieu dit à Jésus : Je te
ferai subir la mort (tawaffa)
et je t’élèverai à
moi..." [31].
Le verbe "tawaffa"
signifie "faire mourir". Boubakeur reconnaît que tawaffa peut se traduire : "Je mets fin
à ta vie", mais il lui donne le sens de mettre fin à sa mission, à son
passage terrestre.
Le Coran met, par
ailleurs, dans la bouche de Jésus ces paroles : "La paix sera sur moi au jour où je
naquis et au jour où je mourrai, et au jour où je serai ressuscité" [32]. Ces mêmes paroles sont utilisées au sujet de Jean-Baptiste [33], et
dont la mort n’est pas contestée.
De plus, la mort par
crucifixion et la résurrection de Jésus ont été prédites dans l’Ancien Testament [34].
Or, le Coran reconnaît la révélation vétérotestamentaire comme révélation
divine.
Troisièmement, ce texte
ne figure qu’une seule fois dans tout le Coran. Et il est adressé à certains juifs. Le Coran ne reproche jamais aux chrétiens de
croire en la mort et la résurrection de Jésus.
Le sens de ce verset est le suivant : "Les juifs ont
dit qu’ils ont tué le Messie à la
croix; cela leur est bien apparu ainsi; mais ils ne l’ont pas tué pour de bon,
puisqu’il est ressuscité et que Dieu l’a élevé vers lui".
C’est là l’interprétation
d’éminents théologiens musulmans : Ikwân al-Safa (983), Abu Hâtim Razî (934) et
Mû’ayyad Chîrazi (1077). Cette interprétation se rapproche de l’interprétation
chrétienne de l’événement de la croix.
Le Coran reconnaît que Jésus est présentement auprès de Dieu [35].
Il séjournera au ciel auprès de Dieu jusqu’à son retour que
les Musulmans attendent : "Jésus est, en vérité, l’annonce de l’Heure
(sous-entendu : l’heure du jugement)" [36].
Alors que les juifs attendent la première venue de leur Messie, les chrétiens et les musulmans attendent son retour glorieux.
L’apôtre Paul précise qu’en attendant son retour, Jésus exerce envers les croyants un ministère d’intercession : "... Christ est mort; bien plus, il
est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous !" [37].
L’apôtre Jean qualifie et compare ce ministère à celui d’un
"avocat" : "...je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez point. Et si quelqu’un a péché, nous avons un
avocat auprès du Père, Jésus-Christ le
juste" [38].
S’il existe certaines convergences
entre la Bible et le Coran concernant Jésus, des
divergences fondamentales subsistent. La filialité divine de Jésus et sa mort expiatoire sur la Croix pour le salut des
hommes sont ignorées, voire niées par le Coran. Celui-ci ne donne donc de Jésus qu’une image tronquée dépouillée de l’essentiel,
ne permettant pas de conduire au salut. "Car si vous ne croyez pas ce que
je suis – dit Jésus – vous mourrez
dans vos péchés" [39]. Pour
trouver le salut, le musulman, comme tout homme doit se référer à la Bible pour y
trouver le vrai portrait du Messie.
Robert Schroeder
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