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Une lettre de l’église protestante de Smyrne aux églises du monde entier

 

NDLR : Je sais que lorsque je mets des infos sur les chrétiens persécutés, elles sont peu lues. Mais vous devez absolument lire ce message que Paul Gosselin nous a traduit. Ci-dessus, photos de nos 3 frères morts assassinés. L’un a reçu 156 coups de couteau, l’autre 99 et le troisième en a été tellement lardé qu’on n’a pas pu les compter. Voici la réalité de l’horreur que nos frères ont subie, et qui souligne d’autant plus la force du message ci-dessous.

“O Dieu, pardonne-leur” a déclaré une des veuves, dans un pays où la vengeance est une valeur culturelle - Darlene N. Bocek (24 avril 2007)

 

Chers amis,

Cette semaine a été très douloureuse. Bon nombre d’entre vous ont probablement entendu parler de l’horrible martyre d’anciens musulmans devenus responsables chrétiens et d’un missionnaire allemand à Malatya, Turquie. Dans une province située à 500km au nord-est d’Antioche, la ville où les croyants ont été appelés des ‘chrétiens’ pour la première fois (Act 11:26).

Mercredi matin, le 18 avril 2007, Tilman Geske, un missionnaire allemand de 46 ans et père de trois enfants, s’est préparé pour aller à son bureau, embrassant son épouse et prenant un moment pour étreindre son fils, lui laissant un souvenir inestimable “au revoir, fils. Je t’aime”

Tilman avait loué un espace de bureau à la maison d’édition Zirve où il préparait des notes pour la nouvelle Bible d’étude turque. Cette maison était également l’emplacement du bureau de l’église évangélique de Malatya. Emanation de l’église, les éditions Zirve impriment de la littérature chrétienne, et la distribuent à Malatya et dans les villes voisines de Turquie orientale. Dans un autre quartier de la ville, le pasteur Necati Aydin, âgé de 35 ans et père de deux enfants dit au revoir à son épouse avant de partir également pour le bureau. Ils avaient rendez-vous pour une réunion matinale d’étude biblique et de prière à laquelle devaient assister également quelques autres croyants de la ville. Ugur Yuksel s’est rendu également à cette étude.

Aucun de ces trois hommes ne pouvait deviner que ce qui les attendait à l’étude biblique serait le test et la dernière mise en pratique de leur foi. Ils ne savaient pas encore que cette épreuve se terminerait avec leur entrée dans la gloire pour recevoir la couronne de justice du Christ, ainsi que l’honneur avec tous les saints qui les attendaient déjà dans la présence du Seigneur.

De l’autre côté de la ville, dix jeunes gens, tous âgés de moins de 20 ans, mettaient en place les derniers préparatifs pour leur acte de foi final, afin de mettre en pratique leur amour pour Allah et leur haine de ces infidèles, qui à leur point de vue minaient l’Islam dans leur pays.

Le dimanche de la Résurrection, cinq de ces hommes avaient assisté à un service évangélique (ouvert seulement à des personnes invitées), que le pasteur Necati et ses collègues avaient organisé dans une salle de conférence d’un hôtel de la ville. Ces hommes étaient connus des croyants comme des ‘personnes en recherche’. On ne sait pas ce qui se produisit dans leur cœur tandis qu’ils écoutaient l’Evangile. Ont-ils été touchés par l’Esprit-Saint ? Ont-ils été convaincus de péché ? Leurs cœurs se sont-ils laissés pénétrer par l’Évangile ? Aujourd’hui, nous ne savons que le début de leur histoire…

Ces jeunes gens, dont l’un d’entre eux est le fils d’un maire dans la province de Malatya, font partie d’un tarikat, un groupe ‘de croyants fidèles’ à l’Islam. L’adhésion à un Tarikat est très respectée ici; elle est comme l’adhésion à une fraternité. En fait, on dit que personne ne peut occuper un poste public sans adhésion à un tarikat. Ces jeunes gens avaient vécu ensemble dans le même dortoir, pour se préparer aux examens d’entrée à l’université.

Ils ont obtenu des pistolets, des couteaux, des cordes et des serviettes pour leur dernier acte au service d’Allah. Ils savaient qu’il y aurait beaucoup de sang.

Apparemment, quand ils sont arrivés vers 10 heures pour l’étude biblique, elle était déjà commencée. Il semblerait que l’assaut a eu lieu après que Necati ait lu un chapitre de la Bible. Ugur, Necati, et Tilman ont eu les mains et les pieds attachés aux chaises par les jeunes gens qui ont enregistré leur ‘travail’ en vidéo sur leurs téléphones mobiles. Ils ont torturé nos frères pendant presque trois heures [1]

Les voisins qui travaillaient près de l’imprimerie, ont dit plus tard qu’ils avaient entendu des cris, mais qu’ils avaient supposé que les propriétaires avaient des différents entre eux, et ils n’ont pas réagi.

Dans l’intervalle, un autre croyant, Gokhan ainsi que son épouse, ont eu une matinée tranquille. Ils ont dormi jusque vers 10 heures, ont pris leur petit déjeuner et finalement vers 12h30 ils sont arrivés au bureau. La porte était verrouillée de l’intérieur et la clé ne fonctionnait pas. Gokhan a téléphoné et bien que la connexion soit établie, il n’a pas entendu le téléphone sonner à l’intérieur. Il a alors appelé les téléphones mobiles de ses frères et finalement quelqu’un qu’il a pris pour Ugur a répondu d’une voix étouffée : “nous ne sommes pas au bureau. Allez à l’hôtel, c’est là que nous sommes.” Tandis que l’interlocuteur (qu’il prenait pour Ugur) parlait, Gokhan entendait en bruit de fond, des pleurs, des cris et des grognements étranges.

Il a téléphoné à la police et l’officier le plus proche est arrivé environ cinq minutes plus tard. Il a martelé à la porte, “Police, ouvrez !”. L’officier a d’abord pensé que c’était une dispute domestique. A ce moment là, ils ont entendu un autre cri et un gémissement étouffés. Le policier a compris que c’étaient des cris de souffrance, il a engagé une balle dans le canon de son pistolet et a frappé à plusieurs reprises encore pour défoncer la porte. Un des assaillants, effrayé, a déverrouillé la porte et le policier est entré pour découvrir une scène effroyable.

Tilman et Necati avaient été dépecés, pratiquement décapités, égorgés d’une oreille à l’autre. La gorge d’Ugur était fendue de la même manière et il était agonisant.

Devant le policier, les trois assaillants ont lâché leurs armes.

Dans l’intervalle, Gokhan a entendu un hurlement dans la rue. Quelqu’un était tombé du bureau du troisième étage. Redescendant rapidement, il a trouvé dans la rue un homme à terre, qu’on a identifié plus tard comme étant Emre Gunaydin. Il avait subi un grave traumatisme crânien et râlait bizarrement. Il est probable qu’en voulant s’échapper, il ait glissé en essayant de s’agripper à un tuyau d’évacuation des eaux usées qui s’est arraché sous son poids et qu’il ait fait une chute dans la rue. Il semblerait que ce soit lui le chef des assaillants. On a retrouvé un autre membre du groupe caché sur un balcon à l’étage inférieur.

Pour comprendre cette histoire, il faut revenir six ans en arrière. En avril 2001, le Conseil de Sécurité Nationale de la Turquie (Milli Guvenlik Kurulu) a commencé à considérer les chrétiens évangéliques comme une menace pour la sécurité nationale, sur le même pied que Al Quaïda et les terroristes du PKK. Des affirmations faites dans les médias par les leaders politiques, les chroniqueurs et les commentateurs ont développé la haine des Turcs contre les missionnaires qui ont été accusés de vouloir soudoyer les jeunes Turcs pour les amener à changer de religion.

Depuis cette prise de position en 2001, les attaques et les menaces sur des églises, des pasteurs et des chrétiens ont commencées. Les chrétiens ont été la cible de bombes, d’attaques verbales, écrites et physiques. Les médias ont été un des plus importants instruments de cette propagande.

A partir de décembre 2005, à la suite d’une longue réunion concernant la menace chrétienne, l’épouse de l’ancien premier ministre Ecevit, l’historien Ilber Ortayli, le professeur Hasan Unsal, le politicien Ahmet Tan et l’écrivain/propagandiste Aytunc Altindal ont, chacun dans leur sphère d’influence, démarré une campagne d’opinion pour attirer l’attention du public sur la menace que représentaient les chrétiens, accusés de vouloir “acheter les âmes de leurs enfants”. Des caméras cachées dans les églises ont enregistré des services religieux qui ont été exploités pour susciter une atmosphère de crainte agressive contre le christianisme.

Dans une réponse sur une télévision officielle à Ankara, le ministre de l’intérieur turc a souri d’un air affecté lorsqu’il a parlé des attaques sur nos frères. Malgré l’outrage et les protestations publiques contre cet acte et les demandes en faveur de la liberté religieuse et de la liberté de pensée, les medias et les commentaires officiels résonnent tous du même message, “nous espérons que vous avez appris votre leçon. Nous ne voulons pas de chrétiens ici.”

Il s’avère que cette attaque a été organisée et lancée par un leader de tarikat, inconnu jusqu’alors. Tout comme dans le meurtre de Hrant Dink en janvier 2007, et celui du prêtre catholique Andrea Santoro en février 2006, des mineurs ont été exploités pour commettre ces meurtres religieux. Car l’opinion publique a beaucoup de sympathie pour la jeunesse. Ils sont souvent condamnés à de moins lourdes peines que les adultes pour des crimes équivalents. Même les parents de ces enfants approuvent leurs actes. La mère du garçon âgé de 16 ans qui a tué le prêtre catholique Andrea Santoro a regardé les caméras tandis que son fils entrait en prison et a dit “il fera son temps pour Allah”

Les jeunes hommes impliqués dans ce massacre ont été arrêtés. Les médias disent actuellement qu’ils seront accusés de terrorisme. Dans ce cas, leur âge n’influerait pas sur la peine encourue. Leur chef Emre Gunaydin est toujours en soins intensifs. Les investigations sont centrées sur lui et ses contacts, et certains pensent que l’enquête risque d’être enterrée s’il ne se remet pas de sa chute.

L’église en Turquie a répondu à ces évènements de manière à honorer Dieu. Des centaines de croyants et des douzaines de pasteurs se sont déplacés aussi rapidement qu’ils le pouvaient afin de montrer leur solidarité envers la petite église de Malatya et d’encourager les croyants. Ils se sont aussi occupés des questions légales, et ont représenté les chrétiens auprès des medias.

Lorsque Susanne Tilman a exprimé son souhait d’enterrer son mari à Malatya, le gouverneur a essayé de l’en empêcher, et lorsqu’il a réalisé qu’il ne pourrait pas s’y opposer, la rumeur a couru que “c’était un péché de creuser une tombe pour un chrétien.” Pour débloquer la situation, dans un acte de courage, des hommes de l’église d’Adana (près de Tarse), ont saisi des pelles et ont creusé une tombe pour leur frère massacré. Il a été enterré dans un vieux cimetière arménien centenaire qui n’était plus entretenu.

C’est avec une cérémonie musulmane Alevi que Ugur a été enterré par sa famille dans sa ville natale d’Elazig. Sa fiancée chrétienne a dû se contenter d’observer de loin, tandis que la famille et les amis de son fiancé refusaient, jusque dans sa mort en martyr, de reconnaître la foi en Christ que Ugur avait pourtant longtemps professée.

L’enterrement de Necati a eu lieu dans sa ville natale d’Izmir, la ville où il est venu à la foi. L’obscurité ne peut pas comprendre la lumière : Bien que les églises aient exprimé leur pardon pour l’événement, les autorités ne pouvaient faire confiance aux chrétiens. Avant de charger le cercueil sur l’avion qui l’emmenait de Malatya, on l’a fait passer par deux examens aux rayons X pour s’assurer qu’il n’était pas bourré d’explosifs. Ce qui habituellement ne se fait pas pour les cercueils musulmans.

L’enterrement de Necati fut un bel événement. Comme un aperçu du ciel. Des milliers de chrétiens turcs et des missionnaires sont venus pour manifester leur amour et pour honorer cet homme qui a reçu la grâce de mourir pour le Christ. L’épouse de Necati : Shemsa, a déclaré publiquement : “sa mort fut pleine de sens, parce qu’il est mort pour le Christ et il a vécu pour le Christ... Necati était un cadeau de Dieu. Je me sens honorée de ce qu’il a été dans ma vie, je me sens couronnée avec honneur. Je veux être digne de cet honneur.”

De manière courageuse, les croyants ont participé à l’enterrement de Necati, en prenant le risque d’être identifiés en public et de devenir à leur tour des cibles potentielles. Comme prévu, la police anti-terroriste était présente et a enregistré en vidéo tous ceux qui assistaient à l’enterrement, pour s’en servir plus tard. Le service a eu lieu à l’extérieur de l’église baptiste de Buca, et il a été enterré dans un petit cimetière chrétien près d’Izmir.

Deux assistants du gouverneur d’Izmir observaient solennellement l’événement, assis dans la première rangée. Des douzaines d’agences de presse étaient sur place et ont commenté l’événement avec des photos. Qui saura évaluer la portée que pourra avoir cet enterrement sur les spectateurs et sur les lecteurs ? Ce pourrait être le début de leur histoire du salut. Priez pour eux.

Les premières pages des plus grands journaux de Turquie ont rendu compte du geste émouvant de Susanne Tilman qui, dans une interview télévisée a exprimé son pardon aux agresseurs de son mari. Elle n’a pas voulu de vengeance. Elle a affirmé aux journalistes. “O Dieu, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font”, se disant de tout cœur en accord avec ces paroles du Christ au calvaire (Luc 23:34).

Dans un pays où la vengeance “œil pour œil, dent pour dent” est aussi normale que le fait de respirer, de nombreux témoignages de vies transformées sont parvenus à l’église à la suite de ce commentaire de Susanne Tilman. Un chroniqueur a noté, “elle a dit dans une phrase, ce que 1000 missionnaires en 1000 ans n’auraient jamais pu faire.”

Les missionnaires qui étaient à Malatya quitteront très probablement cette ville hostile, car leurs familles et leurs enfants sont devenus aujourd’hui des cibles bien identifiées. Les 10 croyants restants vont probablement devoir vivre dans la clandestinité. Qu’arrivera-t-il à cette église, cette lumière dans l’obscurité ? Elle devra probablement se cacher. Priez pour qu’elle ait de la sagesse et que les frères turcs des autres villes sachent aider cette église sans bergers. Ne devrions-nous pas nous préoccuper de cette grande ville de Malatya, une ville qui ne sait pas ce qu’elle fait ? (Jonas 4:11)

Lundi lorsque notre pasteur Fikret Bocek est allé avec un frère pour établir un compte-rendu à la direction de la Sécurité, ils furent dirigés vers les bureaux du service anti-terroriste. Un énorme diagramme, couvrant le mur entier énumérait, classées par catégorie, toutes les cellules terroristes d’Izmir. Dans une colonne, il a vu que toutes les églises évangéliques d’Izmir étaient aussi listées. L’obscurité ne peut pas comprendre la lumière : “Ces gens, qui ont bouleversé le monde, sont aussi venus ici !” (Act 17:6)

Priez s’il vous plaît pour l’église en Turquie. “Ne priez pas contre la persécution, priez pour la persévérance”, recommande le pasteur Fikret Bocek.

L’église est devenue meilleure après la perte de nos frères. Le fruit de nos vies, la foi renouvelée, le désir brûlant de répandre l’Evangile pour mettre fin à l’obscurité de Malatya … nous ne devons rien regretter de tout cela. Priez afin que nous tenions ferme face à l’opposition extérieure et priez particulièrement pour que nous résistions aux luttes internes, au péché et à notre grande faiblesse.

Nous savons une chose. Le Christ Jésus était présent pendant que nos frères donnaient leurs vies pour lui, de la même façon qu’Il était là lorsque Etienne a été lapidé devant les yeux de Saul de Tarse.

Dans l’avenir, la vidéo du décès de nos frères pourra nous fournir plus d’informations sur la force que le Christ leur a donnée pour supporter leur dernière croix, et sur la paix que l’Esprit de Dieu leur a accordée pour souffrir pour leur Sauveur bien-aimé. Nous savons qu’Il était à leurs côtés. Nous savons que leurs esprits étaient remplis des Ecritures, les soutenant pour supporter tout, tandis que l’obscurité essayait de corrompre la lumière inaltérable de l’Evangile. Nous savons qu’ils ont pu, d’une façon ou d’une autre, d’un regard ou d’une parole, s’encourager à tenir ferme. Car ils avaient la certitude qu’ils seraient bientôt avec le Christ.

Nous ne connaissons pas tous les détails. Nous ne savons pas quelle justice sera ou ne sera pas faite ici sur cette terre.

Mais nous prions – et nous vous invitons à prier – pour qu’un jour au moins un de ces cinq jeunes gens puisse venir à la foi en Christ à cause du témoignage de la mort de ces trois martyrs : Tilman Geske, qui a donné sa vie comme missionnaire pour ses Turcs bien-aimés, ainsi que Necati Aydin et Ugur Yuksel, qui font partie des grands martyrs du Christ de l’église turque contemporaine.

Source : izmirprotestan@gmail.com // http://www.izmirprotestan.org

[1] Tilman a été poignardé 156 fois, Necati 99 fois. Les coups de couteau sur le corps d’Ugur étaient trop nombreux pour pouvoir être comptés. Il est évident que ces blessures aient été infligées pour le torturer. A plusieurs reprises, ses doigts ont été tranchés en longueur jusqu’à l’os. Il avait des douzaines de coupures aux fesses, aux testicules, à son rectum et au dos. Il y avait une coupure très longue et ouverte à son cou, d’une oreille à l’autre. Son oesophage et sa trachée avaient des coups de couteaux. Il est entré en chirurgie à 14h25. Les équipes de 4 unités de l’hôpital ont participé à l’opération. Cinquante et une unités de sang ont été utilisées. Après que les ressources de sang de l’hôpital aient été épuisées, le sang a été fourni à partir de Kizilay (le Croissant Rouge). Néanmoins, Ugur décéda à 17h30.)

   
 

Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)