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Le mystère de l’appel
A. W. Tozer
L’auteur évangélique A. W. Tozer n’a guère besoin d’être présenté. Figure prophétique à une époque où cet adjectif avait encore un sens, il avait une perspicacité sur ce qu’il voyait arriver dans le Christianisme évangélique autour de lui. Quelques uns de ces livres ont été traduits en Français. Ils valent le détour. On peut aussi trouver des articles et des livres sur l’adresse suivante, avec une biographie de Tozer : http://www.eglisedemaison.com/livres/tozer/.
J’ai traduit ici un chapitre de son livre God’s pursuit of man où il touche à la question de la conversion :
Le mystère de l’appel
Paul, appelé à être apôtre
… appelés à être saints.
(1 Corinthiens 1.1,2)
Le petit mot appelé qu’utilise l’apôtre ici ressemble
à une porte qui s’ouvre sur un autre monde. Lorsque nous y entrons, nous nous
trouvons effectivement dans un autre monde. Ce nouvel univers dans lequel nous
pénétrons est le monde de la volonté souveraine de Dieu, où la volonté de
l’homme ne peut pas entrer, ou, si elle y vient, il faudra que ce soit en être
dépendant, en serviteur, et jamais en maître.
Paul explique ici
son ministère d’apôtre qui a commencé par un appel efficace. Il n’est pas devenu
apôtre de son propre désir, de sa volonté ou de sa seule détermination : son
appel était une affaire divine, libre, sans avoir subi l’influence de qui que
ce soit, totalement indépendant de l’homme. La réponse appartient à l’homme, mais l’appel jamais. Il vient de Dieu
seul.
Il y a deux mondes,
opposés l’un à l’autre, dominés par deux volontés : celle de l’homme et
celle de Dieu. Le vieux monde de la nature déchue est celui de la volonté
humaine. Là, l’homme est roi et sa volonté est déterminante. Pour autant qu’il
en est capable dans sa faiblesse, il décide le qui, le quoi, le quand et l’où.
Il détermine les valeurs, ce qui sera valorisé et ce qui sera méprisé, ce qui
sera accepté et ce qui sera rejeté. Sa volonté est derrière toute chose. “J’ai
voulu.” “J’ai décidé.” “Je décrète.” “Qu’il en soit ainsi.” On entend continuellement
ces mots sur les lèvres de petits êtres humains. Comme ils sont fiers de leur
soi-disant “droit d’auto-détermination”, quelle vanité comique derrière leur
prétention de “l’électeur souverain”. Ils ignorent, ou ils refusent de
considérer que leurs jours sont comptés et que bientôt ils passeront pour ne plus
revenir.
Le temps, comme un torrent sans cesse agité,
Emporte avec lui tous ses enfants.
Ils s’envolent comme un rêve, déjà oublié,
Qui meurt au soleil levant.
Ces hommes de chair, de sang, si affairés
Par tant de craintes, tant de soucis,
Comme un torrent puissant sont emportés.
Leur
souvenir s’estompe et est perdu.
Isaac
Watts
Pourtant, dans leur orgueil, les hommes
manifestent leur vouloir et prétendent que ce monde leur appartient. Pour un
temps, il est vrai, ce monde est celui des hommes. Dieu n’y est admis que par
la permission de l’homme. On le traite comme un roi qui visite un pays
démocratique. Tous ont son nom sur les lèvres et, surtout en certaines périodes
de l’année, on le fête, on le célèbre et on le chante. Mais derrière cette
flatterie, les hommes tiennent fermement à leur droit d’auto-détermination. Tant
que l’homme peut jouer le rôle de l’hôte, il honorera Dieu de son attention,
tant que celui-ci demeure un invité et ne cherche pas à être le Seigneur.
L’homme fera comprendre que ceci est son monde; il en établira les lois et
décide comment les choses devront fonctionner. Il refuse que Dieu ait une voix
au chapitre. L’homme se courbe devant lui, mais, à peine dissimulée, la couronne
est fermement sur sa propre tête.
Quand nous entrons dans le royaume de
Dieu, nous ne nous trouvons plus dans le même genre de monde. Ici, tout est
complètement différent du vieux monde d’où nous venons, et non seulement, différent,
mais, la plupart du temps, opposé au vieux monde. Toute ressemblance n’est
qu’apparence. Le premier homme tiré de la
terre est terrestre. Le deuxième homme vient du ciel. (1 Corinthiens 15.47)
Ce qui est né de la chair est chair, et
ce qui est né de l’Esprit est esprit. (Jean 3.6) Le premier périra, le
dernier demeurera pour toujours.
Paul était devenu apôtre par l’appel
direct de Dieu. Nul ne s’attribue cet
honneur (Hébreux 5.4). Ici-bas, on peut voir des artistes réputés invités à
chanter devant la famille royale. Pourtant, peu importe combien ils sont doués
ou combien ils sont populaires, ils n’oseraient pas pénétrer dans le palais
sans y être appelés, et cet appel est pour eux comme un ordre. Cet appel ne
laisse aucune place au refus, au risque d’insulter le roi. Pour Paul, ce ne fut
pas autrement. L’appel de Dieu était un ordre. S’il avait prétendu à un poste
politique, les élections auraient déterminé l’issue. S’il avait cherché une
place dans le monde littéraire, ses propres talents auraient été déterminants.
S’il avait été athlète, sa force et ses aptitudes auraient été la clef de sa
réussite. Mais son apostolat n’était pas déterminé de cette façon.
Combien les voies et la volonté de Dieu
sont merveilleuses ! Ce n’est ni par puissance, ni par force, ni par
aptitude innée, ni par formation que des hommes deviennent apôtres, mais par
l’appel efficient de Dieu. Il en est ainsi de tout ministère dans l’Eglise. Il
appartient aux hommes de reconnaître l’appel devant la communauté, mais il ne
leur appartient pas de faire le choix. Là où les voies de Dieu et des hommes se
mélangent règne la confusion et l’échec. Des hommes de bien, mais qui n’ont pas
été appelés par Dieu, peuvent s’engager dans l’œuvre sacrée du ministère, et
c’est souvent le cas. C’est bien pire quand des hommes qui appartiennent encore
au vieux monde, sans avoir été renouvelés par le miracle de la nouvelle
naissance, s’efforcent de faire l’œuvre de Dieu. Que c’est triste et que les
conséquences sont tragiques, car les voies de l’homme et les voies de Dieu sont
toujours opposées les unes aux autres.
Est-ce une des raisons derrière notre
état actuel de faiblesse spirituelle ? Comment la chair peut-elle servir
l’Esprit ? Autrefois en Israël, comment des hommes d’une autre tribu que celle
de Lévi pouvaient-ils servir devant l’autel ? Quelle vanité que de servir
dans le monde nouveau selon les manières du vieux monde ! C’est de là que
vient la croissance sauvage de méthodes iniques qui caractérisent tant
d’églises aujourd’hui. Ceux qui se poussent en avant, les orgueilleux,
indiquent le chemin et les faibles suivent sans demander la preuve de leur
droit de diriger. On ignore l’appel divin et le résultat est la stérilité et la
confusion.
Il est temps de rechercher à nouveau la
direction de l’Esprit-Saint. Abandonner cela aux hommes coûte bien trop cher.
La volonté intrusive de l’homme a introduit tant de manières et d’activités
étrangères à la Parole de Dieu que la vie de l’Eglise en est menacée. Des
millions de dollars sont déviés de l’œuvre de Dieu et des longues heures qui
auraient dû être investies dans le royaume de Dieu sont perdues.
Mais l’incapacité de saisir la différence
radicale entre les deux mondes conduit à
un mal encore plus terrible. C’est l’habitude “d’accepter” langoureusement le
salut comme s’il s’agissait d’une petite affaire qui dépend entièrement de
nous. On exhorte les gens à réfléchir et à “se décider” pour Christ. On trouve
même des endroits où on réserve un dimanche par an comme “jour de décision” où
les gens sont sensés permettre à Christ le droit de les sauver. Ce droit, bien
sûr, ils ne le lui avaient pas encore accordé jusque là. Ainsi, Christ est
soumis au jugement de l’homme. On le fait attendre patiemment devant le bon
plaisir des hommes pour être enfin, après une attente humble et longue, rejeté
ou admis avec condescendance. Une mauvaise compréhension de la doctrine noble
et vraie du libre arbitre a pour conséquence dramatique de laisser dépendre le
salut de la volonté humaine plutôt que de la volonté de Dieu.
Cependant, quelque profond que soit le
mystère et combien tout cela puisse sembler paradoxal, il demeure encore vrai
que les gens deviennent des saints par un appel souverain, et non de leur
propre initiative. Dieu n’a-t-il pas enlevé le choix ultime de nos mains par
des paroles comme celles-ci ?
C’est
l’Esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. … Nul ne peut venir à moi, si
le Père qui m’a envoyé ne l’attire … Nul ne peut venir à moi, si cela ne lui
est donné par le Père. … Tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’il donne
la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. … Mais, quand celui qui
m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, a
trouvé bon de révéler en moi son Fils (Jean 6.63,44,65; 17.2; Galates 1.15,16)
Dieu nous a faits à son image et l’une
des marques de cette ressemblance est notre libre arbitre. Nous entendons Dieu
nous dire : “Quiconque veut, qu’il vienne.” Nous connaissons par
expérience amère le malheur d’une volonté insoumise et le bonheur ou la terreur
qui peut être la conséquence du choix de l’homme. Mais derrière et avant tout
cela se trouve la volonté souveraine de Dieu d’appeler des saints et de
déterminer les destins humains. Le choix principal lui appartient, le choix
secondaire est à nous. Le salut, vu de notre côté, est un choix; vu de Dieu il
est une intervention, une conquête du Dieu Très-Haut. Pour nous, “accepter” et “vouloir” sont des réactions plutôt que des
actions. Le droit de détermination doit continuer à demeurer auprès de
Dieu.
Il est vrai que Dieu a donné à tout homme
le pouvoir de fermer son cœur et de vagabonder hors de la présence divine dans
la nuit qu’on s’est choisi soi-même, tout comme il a remis à tout homme la
capacité de répondre aux ouvertures de sa grâce. Mais tandis que le “non” nous
appartient, le “oui” est toujours celui de Dieu. Il est l’Auteur de notre foi
comme il doit être celui qui la porte à son accomplissement. Ce n’est que par
grâce que nous pouvons continuer à croire. Nous ne pouvons demeurer dans la
volonté de Dieu que dans la mesure où sa puissance bienveillante se saisit de
nous pour vaincre notre tendance naturelle à l’incrédulité.
Nous aimons à tel point de dominer que
nous croyons que le pouvoir de la vie et de la mort se trouvent entre nos
mains. Nous aimons croire que l’enfer sera plus facile à supporter du fait que
nous y serons allés par révolte contre une quelconque puissance qui cherchait à
nous dominer. L’auteur des lignes orgueilleuses suivantes, mises dans la bouche
de Satan, le savait bien :
Et quoi, si la bataille devait être
perdue ?
Tout n’est pas perdu; la volonté invincible,
La pensée de vengeance, la haine
immortelle,
Et le courage de ne jamais se rendre,
De ne jamais abandonner,
Ces choses qui jamais ne seront vaincues;
Cette gloire, sa colère ou sa puissance
Ne
nous l’extorqueront jamais.
Peu, il est vrai, oseraient formuler
ainsi leurs pensées secrètes, mais il y en a des millions qui ont imbibé la
notion qu’ils tiennent en leurs propres mains les clefs du ciel et de l’enfer. La
prédication de l’Evangile comme elle est faite aujourd’hui contribue à cette
attitude. L’homme est devenu grand et Dieu devient petit. On met Christ dans
une position où il excite la pitié plutôt que le respect pendant qu’il se tient
humblement à la porte couverte de vigne.
Ceux qui s’imaginent que Dieu soit soumis
à notre volonté humaine ou qu’il se tienne là, respectueusement, pour
satisfaire nos plaisirs et nos caprices se trompent profondément. Même si, dans
son amour humble, il peut donner l’impression d’être à notre disposition,
cependant, il n’abandonne jamais, ne fut-ce que pour un instant, son trône ou
son droit comme Seigneur des hommes et de la nature. Il est cette Majesté
suprême. Tous les anges, les cieux et tout ce qu’ils contiennent l’adorent. Chérubins
et séraphins crient continuellement : “Gloire, gloire, gloire, Eternel
Dieu des armées, les cieux et la terre sont remplis de la majesté de ta gloire !”
Il est la terreur d’Isaac et la crainte de Jacob, et devant lui, prophètes,
patriarches et saints se sont prosternés en adoration dans une révérence
indicible.
La disparition graduelle dans l’Eglise de
l’idée et du sentiment de la grandeur de Dieu est à la fois un signe et un
présage. La révolte de l’esprit moderne coûte cher, et au fur et à mesure que
les années avancent, nous voyons à quel point. Dieu est devenu le serviteur de
notre volonté et de nos désirs. Nous disons : “L’Eternel est mon berger”, au lieu de : “L’Eternel est mon berger.” La différence
est vaste comme le monde.
Nous avons besoin que soit restaurée
l’idée perdue de la souveraineté, pas seulement en tant que doctrine, mais
aussi comme la source d’une émotion religieuse solennelle. Nous devons nous
faire enlever de nos mains mourantes l’ombre du sceptre avec lequel nous nous
imaginons régner sur le monde. Nous avons besoin de sentir et de savoir que
nous ne sommes que poussière et que Dieu est celui qui dispose de la destinée
des hommes. Combien nous devons avoir honte qu’un roi païen doit nous enseigner
à craindre le Dieu Très-Haut. Car c’était un Nébucadnetsar châtié qui
dit :
Après
le temps marqué, moi, Neboukadnetsar, je levai les yeux vers le ciel, et la
raison me revint. J’ai béni le Très-Haut, j’ai loué et glorifié celui qui vit
éternellement, celui dont la domination est une domination éternelle, et dont
le règne subsiste de génération en génération. Tous les habitants de la terre
sont comme s’ils n’avaient pas de valeur; il agit comme il lui plaît avec
l’armée des cieux et avec les habitants de la terre, et il n’y a personne qui
résiste à sa main et lui dise : Que fais-tu ?” (Daniel 4:34-35)
“A ce moment, ajouta le roi humilié, la
raison me revint.” (4.36) On oublie facilement ce texte qui se trouve
dans un livre de la Bible peu populaire. Mais il est significatif qu’humilité et raison reviennent en même temps. “Maintenant, moi, Nabuchodonosor,
je loue, j’exalte et je glorifie le roi du ciel, dont toutes les œuvres sont
vraies et dont les voies sont justes, et qui peut abaisser ceux qui marchent
avec orgueil” (4.37). L’orgueil du roi était pour lui comme un genre de démence
qui a fini par le pousser à vivre avec le bétail dans les champs. Tant qu’il se
voyait grand et que Dieu était petit à ses yeux, il était dément. La santé
mentale ne lui est revenue qu’à partir du moment où il s’est mis à voir la
grandeur de Dieu devant sa propre petitesse.
Un genre de folie morale comparable
accable actuellement les nations. Depuis trop longtemps, des hommes éduqués ont
chanté avec le poète : “Gloire à l’homme au plus haut”, et les foules ont
repris le refrain. Une démence étrange en est le résultat, caractérisée par une
conscience aiguë de sa propre importance et des délusions de grandeur morale.
Ceux qui refusent d’adorer le vrai Dieu s’adonnent à une adoration d’eux-mêmes
avec une tendre dévotion. Que Dieu nous accorde de connaître à nouveau combien
nous sommes petits et pécheurs.
A.
W. Tozer, God’s pursuit of man,
(Christian
Publications 1950), Wingspread Publishers 2006,
chapitre
3, pp 33-43. Traduit par E. Egberts, 2012.
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