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Accueil > Etudier > Histoire et chronologie de l'Ancien Testament 3

 

Israël et l’Egypte dans l’Ancien Testament
Tensions, discordances et la recherche d’une solution

 

Le présent article cherche à résumer les tensions entre les affirmations de l’Ancien Testament d’une part, l’égyptologie d’autre part. En général, ces tensions ont été résolues de manière assez systématique en faveur de l’égyptologie, dans la mesure où l’on en a été conscient. Cependant, cela pose un problème évident au sujet de la crédibilité des données bibliques. Y a-t-il une autre solution ?

Le dilemme

L’Ancien Testament relate l’histoire du peuple d’Israël. Dans ce sens, il constitue un livre d’histoire de premier rang, une source ancienne qui mérite à être prise au sérieux. Ecrit par les contemporains, il prétend donner un rapport exact, même si le point de vue reste résolument partial, car israélite.

Souvent, le peuple d’Israël a eu à faire avec l’Egypte. Abraham a été l’hôte de ce pays, Joseph en a été gouverneur, Moïse un prince et un rebelle. Salomon a épousé une fille du pharaon, Jérusalem a été pillée par le pharaon, etc. etc. Pour l’Egypte, la terre d’Israël a souvent été un domaine vassal sur une frontière exposée aux invasions. Du coup, les deux histoires se superposent en partie.

D’un côté, un petit peuple, souvent en marge de l’histoire internationale. Comme pour tous les petits peuples, il a toujours connu la nécessité de composer avec des voisins encombrants. A leur égard, peu de mépris et passablement de réalisme. Non que le peuple d’Israël n’ait pas été d’un chauvinisme accompli, mais on ne pouvait pas se permettre l’ignorance superbe du grand voisin. Ce réalisme se traduit aussi par une dose d’honnêteté étonnante quant à la description de ses propres défaites, tant militaires que morales et spirituelles. C’est là un caractéristique qu’on cherche en général en vain auprès de ses voisins égyptiens, assyriens ou babyloniens.

De l’autre côté, la fière nation égyptienne, un des berceaux de la culture ancienne et suffisamment puissant pour mépriser le reste du monde. Ce mépris a souvent atteint le peuple d’Israël, peuple d’Asiatiques méprisables et méprisés. L’orgueil d’être une grande nation a fortement influencé sa perception de l’histoire. Les défaites sont camouflées ou rayées des monuments, enlevées de la mémoire nationale. Cela doit nous rendre pour le moins un peu suspicieux à l’égard de leur histoire !

 

La superposition des deux histoires est étonnamment malaisée. Pourquoi cela devrait nous étonner ? Parce que certains événements sont d’une telle importance qu’ils doivent avoir eu une incidence massive sur le développement de l’une et de l’autre de ces deux nations. Les deux exemples les plus évidents sont l’Exode, défaite pour l’Egypte, et la prise de la Jérusalem salomonique par le pharaon, défaite pour Israël. Pour les raisons que nous détaillerons plus loin, il n’est pas pensable que ces deux épisodes aient été seulement des faits divers, petits incidents frontaliers sans importance.

Or, voilà le dilemme. On ne trouve pas d’équivalences entre ces deux histoires sur les points importants. Non pas que chacune ignore superbement ses propres défaites. Cela aurait été compréhensible. Mais l’histoire égyptienne n’a aucune place réelle ni pour l’Exode, et on le comprend, ni pour la prise fabuleuse que devait constituer Jérusalem, et là, c’est bien plus dur à saisir.

Le résultat de ce dilemme a été une tendance exacerbée à relativiser l’histoire telle que la relate l’Ancien Testament. Comme l’histoire égyptienne n’en dit rien, l’Exode devient un événement secondaire. La Jérusalem de Salomon devient la petite capitale d’un pays secondaire, et son temple un sanctuaire tout de même assez décevant. Systématiquement, les faits rapportés dans l’Ancien Testament sont diminués, tandis que la culture et l’histoire égyptienne sont agrandies. La tension est devenue une distorsion qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

 

Ce dilemme se voit donc au plus clair devant l’Exode et devant la conquête de Jérusalem, qui sont les points névralgiques de toute la question. Après une datation longue de l’Exode, qui donnait des problèmes évidents au niveau de la chronologie égyptienne, on en est arrivé à proposer une chronologie courte, qui ne résout pas grand chose du côté de l’histoire égyptienne et qui malmène sérieusement les données de la Bible. Dans les deux cas, la clé historique reste fermement celle de l’histoire égyptienne. C’est par elle qu’on interprète la Bible, chaque fois que celle-ci mentionne l’Egypte. Et chaque fois qu’Israël reçoit une mention oblique dans les textes égyptiens, on forcera une concordance qui dépend exclusivement des datations égyptiennes, largement influencées par Manéthon. Le mot ‘forcer’ n’est pas de trop. Il suffit de penser à la mention d’Israël sur le stèle de Merneptah et ses conséquences sur l’acception de la chronologie courte.

 

Avant d’indiquer un autre chemin, il faut bien délimiter le problème. Qu’est-ce que la Bible exige de l’histoire égyptienne. Autrement dit, qu’est-ce qui est incontournable ? Qu’est-ce qui n’est pas négociable ? Ce qui veut aussi dire que si on le négocie quand même, on altère les données claires de la Bible. Dans ce cas, on jugera négativement la fiabilité de ce texte. Si cela ne pose aucun problème, cet article n’aura aucun sens. Mais cette option, est-elle réellement disponible pour l’historien chrétien ? Nous ne le croyons pas.

 

Les exigences bibliques

Voici les exigences que pose le texte biblique face à l’histoire égyptienne. Nous les traiterons par période, en commençant avec l’époque de l’Exode.

 

L’Exode

Un des points névralgiques des deux histoires est l’Exode. Après un séjour prolongé, le peuple d’Israël sort d’Egypte suite à une série de calamités énormes. Au plan chronologique, ce point reste un élément central pour deux raisons : d’abord parce qu’il est datable, et ensuite, parce qu’il est à tel point catastrophique, et qu’il pèse très lourdement sur l’époque suivant, qu’il doit se retrouver dans les deux histoires d’une façon ou d’une autre. En plus, le reste de la chronologie comparée de l’Ancien Testament et de l’Egypte est largement dépendant de la datation de l’Exode.

 

La date biblique de l’Exode se situe vers 1450 avant Christ (Cf. la datation du temple en 1R 6.1 : Ce fut la 480e année après la sortie des Israélites du pays d’Egypte, la 4e année du règne de Salomon sur Israël, au mois de Ziv—qui est le second mois—qu’il bâtit la maison pour l’Eternel. Cf.  Act 13.18-22 : Il les supporta environ 40 ans dans le désert; et, après avoir exterminé sept nations au pays de Canaan, il les mit en possession de leur territoire, (ce qui dura) environ 450 ans. Après cela, il leur donna des juges jusqu’au prophète Samuel. Puis ils demandèrent un roi. Et Dieu leur donna, pendant 40 ans, Saül, fils de Kis, de la tribu de Benjamin; après l’avoir écarté, il leur suscita pour roi David, auquel il a rendu ce témoignage : J’ai trouvé David, fils d’Isaï, homme selon mon cœur, qui accomplira toutes mes volontés. La datation par Paul ici est clairement approximative. En total, il arriverait à quelques 573 ans entre l’Exode et la construction du temple, ce qui semble impossible. Ce sont les ‘environ 450 ans’ qu’il faut diminuer selon Jug 11.26 et 1R 6.1.)

 

L’Exode a très probablement suivi un changement de dynastie en Egypte. Le nouveau pharaon, ou un de ses successeurs, a eu un long règne. Cette période est celle de l’esclavage d’Israël. Elle a duré au moins 80 ans. (Ex 1.8 : Un nouveau roi vint à régner sur l’Egypte, lequel n’avait pas connu Joseph. Cf. Act 7.23,30 : Lorsqu’il eut quarante ans révolus, (la pensée) lui vint au cœur de visiter ses frères, les fils d’Israël. … Quarante ans plus tard, un Ange lui apparut au désert du mont Sinaï, dans la flamme d’un buisson en feu.) Un autre pharaon vient au pouvoir, probablement peu de temps avant le retour de Moïse en Egypte. (Cf. Ex 2.23 : Longtemps après, le roi d’Egypte mourut, et les Israélites gémissaient encore sous la servitude et poussaient des cris…)

 

L’Exode a été un temps calamiteux pour le pays et le peuple égyptien. Les 10 plaies ont dû mettre le pays à genoux. Toutes les récoltes étaient détruites, le cheptel exterminé, des morts par milliers ou dizaines de milliers, l’armée et le pharaon au fond de la Mer des Joncs. (Ex 8.20 : L’Eternel fit ainsi. Il vint une masse de mouches venimeuses dans le palais du Pharaon, dans la maison de ses serviteurs et dans tout le pays d’Egypte; le pays fut dévasté par les mouches. 9.6 : L’Eternel fit ainsi, dès le lendemain. Tout le cheptel de l’Egypte mourut, et il ne mourut pas une (bête) du cheptel des Israélites. 9.10 : Ils prirent de la suie de fourneau et se tinrent devant le Pharaon; Moïse la jeta vers le ciel, et elle produisit sur les hommes et sur les bêtes des ulcères avec une éruption de pustules. 9.24,25 : Il y eut de la grêle, et le feu se mêlait avec la grêle; elle était si violente qu’il n’y en avait pas eu de semblable dans tout le pays d’Egypte depuis qu’il existe comme nation. La grêle frappa, dans tout le pays d’Egypte, tout ce qui était dans la campagne, depuis les hommes jusqu’aux bêtes; la grêle frappa aussi toute l’herbe des champs et brisa tous les arbres des champs. 9.31,32 : —Le lin et l’orge avaient été frappés, parce que l’orge était en épis et le lin en fleur; le froment et l’épeautre n’avaient pas été frappés, parce qu’ils sont tardifs— 10.6,7 : elles rempliront tes maisons, les maisons de tous tes serviteurs et les maisons de tous les Egyptiens. Tes pères et les pères de tes pères n’auront rien vu de pareil depuis qu’ils ont existé sur ce territoire jusqu’à ce jour. (Moïse) se retira et sortit de chez le Pharaon. Les serviteurs du Pharaon lui dirent : Jusqu’à quand cet homme sera-t-il pour nous un piège ? Laisse partir ces gens, et qu’ils servent l’Eternel, leur Dieu. Ne reconnais-tu pas encore que l’Egypte périt ? 10.14,15 : Les sauterelles montèrent sur tout le pays d’Egypte et se posèrent dans tout le territoire de l’Egypte; c’était si grave qu’auparavant il n’y avait jamais eu tant de sauterelles et qu’il n’y en aura jamais plus autant par la suite. Elles couvrirent la surface de toute la terre, et la terre fut obscurcie; elles dévorèrent toute l’herbe de la terre et tout le fruit des arbres, tout ce qui était resté après la grêle; et il ne resta aucune verdure aux arbres ni à l’herbe des champs, dans tout le pays d’Egypte. 12.29,30 : Au milieu de la nuit, l’Eternel frappa tout premier-né dans le pays d’Egypte, depuis le premier-né du Pharaon assis sur son trône, jusqu’au premier-né du captif dans sa prison, et jusqu’à tout premier-né du bétail. Le Pharaon se leva de nuit, lui, tous ses serviteurs et tous les Egyptiens; et il y eut de grands cris en Egypte, car il n’y avait point de maison où il n’y eût un mort. 14.27-30 : Moïse étendit sa main sur la mer; à l’approche du matin, la mer revint à son niveau habituel; les Egyptiens s’enfuirent à son approche; mais l’Eternel précipita les Egyptiens au milieu de la mer. Les eaux revinrent et couvrirent les chars, les cavaliers et toute l’armée du Pharaon, qui étaient entrés dans la mer derrière les Israélites et il n’en resta pas un seul. Mais les Israélites marchèrent à (pied) sec au milieu de la mer, et les eaux étaient pour eux une muraille à leur droite et à leur gauche. Ce jour-là, l’Eternel sauva Israël de la main des Egyptiens; et Israël vit les Egyptiens morts sur le rivage de la mer. Cf. Ex 15.4 : Il a précipité dans la mer les chars du Pharaon et son armée; ses équipages d’élite ont été submergés par la mer des Joncs. Ps 136.15 : Et précipita le Pharaon et son armée dans la mer des Joncs..)

 

Le résultat inévitable de tout ceci est un pays exsangue, ouvert à toute attaque. Un changement de dynastie semble fort probable. Une période d’instabilité a suivre l’Exode, peut-être, probablement ?, le début d’une des périodes intermédiaires de l’histoire égyptienne. Mais ce qui est impossible, c’est que tout a continué à fonctionner comme avant. L’Exode a être une des démarcations les plus tranchantes de toute l’histoire égyptienne.

 

Il est tout aussi évident que l’Exode et les siècles qui ont suivis (Cf. Jug 11.26 : Voilà 300 ans qu’Israël habite à Hechbôn et ses dépendances, à Aroër et ses dépendances, et dans toutes les villes qui sont sur les bords de l’Arnon: pourquoi ne les avez-vous pas libérées pendant ce temps-là ?) se sont déroulés à une époque où l’Egypte n’a pu exercer de contrôle sur le pays de Canaan.

 

A partir d’ici, on peut remonter à Abraham et descendre vers la période des rois.

 

D’Abraham à Joseph

Abraham est éloigné d’au moins 430 ans de l’Exode. (Selon Ex 12.40,41 : Le séjour que les Israélites firent en Egypte fut de 430 ans. Au bout de 430 ans, ce jour précis, toutes les troupes de l’Eternel sortirent du pays d’Egypte. [La LXX et le texte samaritain incluent en cette période le séjour en Canaan. Paul, en Gal 3.17, suit cette lecture. LXX : Voici ce que je veux dire : un testament déjà établi en bonne forme par Dieu ne peut pas être annulé par la loi survenue 430 ans plus tard, ce qui anéantirait la promesse… Mais cf. Gen 15.13 : L’Eternel dit à Abram : Sache que tes descendants seront des immigrants dans un pays qui ne sera pas le leur; ils y seront esclaves, et on les maltraitera pendant 400 ans; = Act 7.6 : Ta descendance séjournera dans un pays étranger; on la réduira en servitude et on la maltraitera pendant 400 ans. Si cette période ne concerne que la période à partir du départ en Egypte de Jacob, l’époque d’Abraham recule d’environ 100 à 150 ans.)

Vers 2000/1900 il a trouvé refuge en Egypte. Gen 12.10-20  en donne le récit. Peu de choses peuvent en être conclues, sauf, peut-être, l’ambiance typiquement patriarcal, également en Egypte. Notons aussi la rapidité avec laquelle Abraham parvient jusqu’au Pharaon, le traitement de faveur qu’il reçoit et le discernement moral du pharaon.

C’est après cette rencontre qu’a eu lieu la destruction de la région de Sodome et de Gomorrhe. Il est possible que cela ne soit pas resté totalement inaperçu… Mais peu de documents nous restent de ce temps reculé.

Est-ce que l’Egypte domine Canaan en cette époque ? Les textes bibliques n’en disent rien.

 

Joseph a dû devenir gouverneur d’Egypte vers 1880 avant Christ selon ce qui est indiqué plus haut. Une administration centralisée est en évidence, et une certaine méfiance envers les étrangers ressort de Gen 42.12. A la venue de Jacob, la famille s’installe dans le pays de Gochên, appelé aussi (déjà ?) le pays de Ramsès, Gen 47.6,11. Une des particularités de la grande famine qui s’est abattue sur l’Egypte et sur le pays de Canaan en ce temps, c’est qu’à cause d’elle le pays d’Egypte devient la propriété du pharaon, à l’exception des terres des prêtres, Gen 47.20,22. Le résultat de cela était une taxe permanente de 20% sur les récoltes, Gen 47.26.

Il semble que Canaan soit passé sous la dépendance égyptienne, cf. Gen 50.7-11.

 

De l’Exode à Roboam

Dans le chaos qui a suivi l’Exode, Canaan échappe totalement au contrôle égyptien. No 24.7 et 20 mentionnent la dominance d’Amalek, peuple ancien, déjà mentionné en Gen 14.7, sur toute la région, si ce n’est sur ce qui reste de l’Egypte (“L’eau coule de ses seaux, et sa semence (est fécondée) par d’abondantes eaux. Son roi s’élève au-dessus d’Agag, et son royaume devient puissant.” (Balaam) vit Amalek. Il prononça sa sentence et dit : “Amalek est la première des nations, mais en fin de compte il ira à la perdition.”). C’est le roi Saül qui termine cette domination, selon 1Sam 15.4-9. Mais il faudra attendre le règne de Salomon, pour que soit de nouveau mentionné le pays d’Egypte avec son roi, le pharaon. C’est comme si l’Egypte est rayé de la carte.

 

(Il faudra mentionner ici le texte surprenant de 1Chr 4.18 : Sa femme, la Judéenne, enfanta Yéred, père de Guedor, Héber, père de Soko, et Yeqoutiel, père de Zanoah. Ce sont là les fils de Bitya, fille du Pharaon, que Méred avait prise (pour femme). Ce descendant de Caleb a vécu à quel moment pour qu’il ait pu épouser une fille du pharaon ? Bithya est probablement un nouveau nom, fille de Yahweh. Notre avis est que Méred se situe au temps de Saül ou de David.)

 

C’est avec Salomon que s’achève ce silence. (1R 3.1 : Salomon s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Egypte. Il prit (pour femme) la fille du Pharaon.) Mais la dot que le pharaon donne pour sa fille est une ville qu’il doit aller conquérir (1R 9.16 : Le Pharaon, roi d’Egypte, était monté pour s’emparer de Guézer, l’avait incendiée et avait tué les Cananéens qui habitaient dans la ville. Puis il l’avait donnée pour dot à sa fille, femme de Salomon), signe éloquent à la fois de ce que l’Egypte avait perdu en suzeraineté et de son retour sur la scène politique international.

 

Commence alors l’époque de la richesse proverbiale de Salomon, roi d’un territoire qui va du torrent d’Egypte jusqu’à l’entrée de Hamath, 1R 8.65 et touchera le fleuve de l’Euphrate. Sa richesse, sa puissance et sa sagesse sont décrites en 1R 10. (le seul poids de l’or qui arrive à Jérusalem annuellement s’élevait à plus de 22.000 kg !, 10.14) Une telle opulence a dû faire envie !

Bien avant la mort de Salomon, l’Egypte commence une politique agressive envers Israël. Un des ennemis de Salomon s’était enfui en Egypte du temps de David. Il était devenu le mari de la femme du pharaon, la reine Tahpenès, 1R 11.19, à l’époque où Salomon en devient le gendre. Jéroboam trouvera plus tard accueil en Egypte auprès du pharaon Chichaq, 1R 11.40.

 

C’est ce pharaon qui enlèvera le fabuleux butin de la ville de Jérusalem, la ville sainte. (1R 14.25,26 : La cinquième année du règne de Roboam, Chichaq, roi d’Egypte monta contre Jérusalem. Il prit les trésors de la maison de l’Eternel et les trésors de la maison du roi, il prit tout. Il prit tous les boucliers d’or que Salomon avait faits.) Ce ne fut pas le sac de n’importe quelle ville d’un royaume de seconde zone, du genre à figurer sur un monument genre listing ordinaire.

Non seulement, ce fut la première expédition d’une armée égyptienne hors de sa frontière septentrionale depuis au moins 500 ans, et cela pèse lourdement sur l’identification de ce roi, mais ce fut en même temps le début d’une époque de gloire pour l’Egypte, enrichi au delà de l’imaginable par cette conquête. Une telle victoire a trouver un écho très ample sur un monument quelque part ! Or, le pharaon qui a réussi cet exploit doit correspondre à ces deux critères. Sans cela, la Bible peut être fermée comme livre d’histoire.

Quelque part dans l’histoire égyptienne, entre le début du Nouvel Empire et la domination assyrienne, doit se situer ce pharaon qui, le premier après environ 500 ans, rétablit la domination égyptienne sur la terre de Canaan et qui ramène au pays un trésor absolument fabuleux. Cette conquête marque le début d’une prospérité égyptienne sans égale après la période de ‘vaches maigres’ qui a dû suivre l’Exode.

Nous l’avons déjà dit, ceci constitue l’autre point névralgique dans la superposition des histoires de ces deux peuples.

 

D’Asa à la captivité

Du temps d’Asa, petit-fils de Roboam, un roi Kouchite, Zérah, vient le combattre avec une armée de mille milliers d’hommes et de 300 chars, 2Chr 14.8. Il n’est guère possible qu’il s’agit ici d’un chef obscur bédouin. Kouchite, c’est Ethiopien. Pour passer en Judée, il a dû passer par l’Egypte. Mais l’Egypte était à un des points culminants de son histoire suite aux conquêtes de Chichaq ! Il faudra alors accepter que Zérah est le nom hébreu pour l’un des successeurs de Chichaq. D’ailleurs, l’armée qui le suit est bien à la taille d’un pharaon. Ce successeur de Chichaq, un Ethiopien, a donc dû subir une lourde défaite au nord. Une défaite qu’on n’est pas près de trouver gravée sur un monument égyptien !

 

Après cela, Israël et Judée tombent dans une période assez confuse de roitelets qui s’unissent, se désunissent, se tuent et se font tuer. Au nord, dynastie suit dynastie, au sud, la maison de David se perpétue tant bien que mal. Mais dès environ 750 avant Christ, l’arrière fond de cela sera la montée de la puissance assyrienne. Le nord cherche une alliance éphémère avec l’Egypte, 2R 17.4 : Mais le roi d’Assyrie découvrit une conspiration chez Osée, qui avait envoyé des messagers à So, roi d’Egypte, et qui ne faisait plus monter annuellement le tribut au roi d’Assyrie. Le roi d’Assyrie le fit enfermer et enchaîner dans une prison.  Manifestement, la puissance égyptienne est fortement en déclin, ce que va expérimenter également le petit royaume de la Judée, qui cherchera en vain de l’appui contre l’Assyrie. (2R 18.21 : Voici maintenant que tu t’es confié dans le soutien de l’Egypte, ce roseau cassé qui pénètre et perce la main de quiconque s’appuie dessus: tel est le Pharaon, roi d’Egypte, pour tous ceux qui se confient en lui.) Le prophète Esaïe critique violemment cette politique.

 

Autour de l’époque du roi Ezéchias, un nouveau roi ou une nouvelle dynastie a dû prendre le dessus en Egypte. La Babylonie cherche à reprendre le pouvoir en Mésopotamie et en Egypte le roi Néko monte sur le trône. En 608/609, il envahit la Judée en route vers Karkémich, cf. Jér 46.2. Le roi Josias meurt dans la défense de Méguiddo et pour un très court moment, l’Egypte est de nouveau la puissance tutélaire en Judée, 2Chr 35.20-22; 36.4. L’Egypte disparaît alors de l’Ancien Testament comme puissance importante, conquise par Neboukadnetsar, Jér 46.13-26.

 

Le défi

Est-il indispensable de faire violence à l’histoire telle que nous la retrouvons dans l’Ancien Testament pour faire concorder celle-ci avec l’histoire manéthonienne de l’Egypte ? N’y a-t-il pas une autre voie évidente, celle de considérer l’exactitude de l’Ancien Testament et de chercher à partir de là une concordance avec l’Egypte ? Autrement dit, ne faut-il pas enfin refuser les diktats de l’égyptologie et poser un nouveau regard sur l’histoire pharaonique ?

 

Pour cela, les deux points de départ seront obligatoirement ceux que nous avons indiqués : l’Exode et la destruction totale de l’Egypte qu’il a causée d’une part, la prise de Jérusalem par Chichaq d’autre part, avec l’enrichissement fabuleux de l’Egypte. Ces deux temps forts sont séparés d’environ 500 ans d’absence égyptienne de la scène internationale et sont datables selon l’Ancien Testament : de ± 1450 à ± 925 avant Jésus-Christ. A partir de là, il devrait y avoir plus de probabilité de définir les autres événements, notamment l'époque de Joseph et le pharaon contre qui Asa a combattu. Certaines identifications deviendraient plus faciles et plus sures, comme celle de So.

 

A notre connaissance, ce défi n’a pas encore été relevé par des égyptologues. D’autres l’ont fait. Parmi eux, le plus connu et le pionnier a été Immanuel Velikovsky. Il a cherché à faire concorder l’Exode avec la fin du Moyen Empire et fait de Thoutmès III le pharaon qui a engrangé le butin de Salomon. Cela le conduit nécessairement à un certain nombre d’aménagements de l’histoire égyptienne. A-t-il eu raison ? Sans doute pas sur toute la ligne. Par exemple, l’identification entre Hatchepsoût et la reine de Séba n’est pas nécessairement fondée (mais qui peut-elle être d’autre ?). Mais on peut comprendre l’enthousiasme qui y a conduit. Cependant, la question n’est pas à prime abord dans ce détail. L’essentiel de son argument réside dans l’identification première : l’Exode = fin Moyen Empire, Chichaq = Thoutmès III. Cette identification concorde avec les éléments de l’Ancien Testament que nous avons indiqués comme étant une exigence absolue. Y en a-t-il d’autres ?

 

Il n’est pas très satisfaisant de se limiter à la discordance actuelle. La chronologie longue, autant que la chronologie courte font violence à l’Ancien Testament. Il est temps de trouver mieux. Il est réjouissant que cela commence à être fait.

Egbert Egberts


Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)