|
Accueil > Etudier > Histoire et chronologie de l'Ancien Testament 3
Israël
et l’Egypte dans l’Ancien Testament
Tensions, discordances et la
recherche d’une solution
Le
présent article cherche à résumer les tensions entre les affirmations de
l’Ancien Testament d’une part, l’égyptologie d’autre part. En général, ces
tensions ont été résolues de manière assez systématique en faveur de
l’égyptologie, dans la mesure où l’on en a été conscient. Cependant, cela pose
un problème évident au sujet de la crédibilité des données bibliques. Y a-t-il
une autre solution ?
Le
dilemme
L’Ancien
Testament relate l’histoire du peuple d’Israël. Dans ce sens, il constitue un
livre d’histoire de premier rang, une source ancienne qui mérite à être prise
au sérieux. Ecrit par les contemporains, il prétend donner un rapport exact,
même si le point de vue reste résolument partial, car israélite.
Souvent,
le peuple d’Israël a eu à faire avec l’Egypte. Abraham a été l’hôte de ce pays,
Joseph en a été gouverneur, Moïse un prince et un rebelle. Salomon a épousé une
fille du pharaon, Jérusalem a été pillée par le pharaon, etc. etc. Pour
l’Egypte, la terre d’Israël a souvent été un domaine vassal sur une frontière
exposée aux invasions. Du coup, les deux histoires se superposent en partie.
D’un
côté, un petit peuple, souvent en marge de l’histoire internationale. Comme
pour tous les petits peuples, il a toujours connu la nécessité de composer avec
des voisins encombrants. A leur égard, peu de mépris et passablement de
réalisme. Non que le peuple d’Israël n’ait pas été d’un chauvinisme accompli,
mais on ne pouvait pas se permettre l’ignorance superbe du grand voisin. Ce
réalisme se traduit aussi par une dose d’honnêteté étonnante quant à la
description de ses propres défaites, tant militaires que morales et spirituelles.
C’est là un caractéristique qu’on cherche en général en vain auprès de ses
voisins égyptiens, assyriens ou babyloniens.
De
l’autre côté, la fière nation égyptienne, un des berceaux de la culture
ancienne et suffisamment puissant pour mépriser le reste du monde. Ce mépris a
souvent atteint le peuple d’Israël, peuple d’Asiatiques méprisables et
méprisés. L’orgueil d’être une grande nation a fortement influencé sa
perception de l’histoire. Les défaites sont camouflées ou rayées des monuments,
enlevées de la mémoire nationale. Cela doit nous rendre pour le moins un peu suspicieux
à l’égard de leur histoire !
La
superposition des deux histoires est étonnamment malaisée. Pourquoi cela
devrait nous étonner ? Parce que certains événements sont d’une telle
importance qu’ils doivent avoir eu une incidence massive sur le développement
de l’une et de l’autre de ces deux nations. Les deux exemples les plus évidents
sont l’Exode, défaite pour l’Egypte, et la prise de la Jérusalem salomonique
par le pharaon, défaite pour Israël. Pour les raisons que nous détaillerons
plus loin, il n’est pas pensable que ces deux épisodes aient été seulement des
faits divers, petits incidents frontaliers sans importance.
Or,
voilà le dilemme. On ne trouve pas d’équivalences entre ces deux histoires sur
les points importants. Non pas que chacune ignore superbement ses propres
défaites. Cela aurait été compréhensible. Mais l’histoire égyptienne n’a aucune
place réelle ni pour l’Exode, et on le comprend, ni pour la prise fabuleuse que
devait constituer Jérusalem, et là, c’est bien plus dur à saisir.
Le
résultat de ce dilemme a été une tendance exacerbée à relativiser l’histoire
telle que la relate l’Ancien Testament. Comme l’histoire égyptienne n’en dit
rien, l’Exode devient un événement secondaire. La Jérusalem de Salomon devient
la petite capitale d’un pays secondaire, et son temple un sanctuaire tout de
même assez décevant. Systématiquement, les faits rapportés dans l’Ancien
Testament sont diminués, tandis que la culture et l’histoire égyptienne sont
agrandies. La tension est devenue une distorsion qui perdure jusqu’à
aujourd’hui.
Ce
dilemme se voit donc au plus clair devant l’Exode et devant la conquête de
Jérusalem, qui sont les points névralgiques de toute la question. Après une
datation longue de l’Exode, qui donnait des problèmes évidents au niveau de la
chronologie égyptienne, on en est arrivé à proposer une chronologie courte, qui
ne résout pas grand chose du côté de l’histoire égyptienne et qui malmène
sérieusement les données de la Bible. Dans les deux cas, la clé historique
reste fermement celle de l’histoire égyptienne. C’est par elle qu’on interprète
la Bible, chaque fois que celle-ci mentionne l’Egypte. Et chaque fois qu’Israël
reçoit une mention oblique dans les textes égyptiens, on forcera une
concordance qui dépend exclusivement des datations égyptiennes, largement
influencées par Manéthon. Le mot ‘forcer’ n’est pas de trop. Il suffit de
penser à la mention d’Israël sur le stèle de Merneptah et ses conséquences sur
l’acception de la chronologie courte.
Avant
d’indiquer un autre chemin, il faut bien délimiter le problème. Qu’est-ce que
la Bible exige de l’histoire égyptienne. Autrement dit, qu’est-ce qui
est incontournable ? Qu’est-ce qui n’est pas négociable ? Ce qui veut aussi
dire que si on le négocie quand même, on altère les données claires de la
Bible. Dans ce cas, on jugera négativement la fiabilité de ce texte. Si cela ne
pose aucun problème, cet article n’aura aucun sens. Mais cette option, est-elle
réellement disponible pour l’historien chrétien ? Nous ne le croyons pas.
Les
exigences bibliques
Voici
les exigences que pose le texte biblique face à l’histoire égyptienne. Nous les
traiterons par période, en commençant avec l’époque de l’Exode.
L’Exode
Un
des points névralgiques des deux histoires est l’Exode. Après un séjour
prolongé, le peuple d’Israël sort d’Egypte suite à une série de calamités
énormes. Au plan chronologique, ce point reste un élément central pour deux
raisons : d’abord parce qu’il est datable, et ensuite, parce qu’il est à tel
point catastrophique, et qu’il pèse très lourdement sur l’époque suivant, qu’il
doit se retrouver dans les deux histoires d’une façon ou d’une autre. En
plus, le reste de la chronologie comparée de l’Ancien Testament et de l’Egypte
est largement dépendant de la datation de l’Exode.
La
date biblique de l’Exode se situe vers 1450 avant Christ (Cf. la
datation du temple en 1R 6.1 : Ce fut la 480e
année après la sortie des Israélites du pays d’Egypte, la 4e année
du règne de Salomon sur Israël, au mois de Ziv—qui est le second mois—qu’il
bâtit la maison pour l’Eternel. Cf. Act 13.18-22 : Il les supporta
environ 40 ans dans le désert; et, après avoir exterminé sept nations au
pays de Canaan, il les mit en possession de leur territoire, (ce qui dura)
environ 450 ans. Après cela, il leur donna des juges jusqu’au prophète
Samuel. Puis ils demandèrent un roi. Et Dieu leur donna, pendant 40 ans,
Saül, fils de Kis, de la tribu de Benjamin; après l’avoir écarté, il leur
suscita pour roi David, auquel il a rendu ce témoignage : J’ai trouvé David,
fils d’Isaï, homme selon mon cœur, qui accomplira toutes mes volontés. La
datation par Paul ici est clairement approximative. En total, il arriverait à
quelques 573 ans entre l’Exode et la construction du temple, ce qui semble
impossible. Ce sont les ‘environ 450 ans’ qu’il faut diminuer selon Jug
11.26 et 1R 6.1.)
L’Exode
a très probablement suivi un changement de dynastie en Egypte. Le nouveau
pharaon, ou un de ses successeurs, a eu un long règne. Cette période est celle
de l’esclavage d’Israël. Elle a duré au moins 80 ans. (Ex
1.8 : Un
nouveau roi
vint à régner sur l’Egypte, lequel n’avait pas connu Joseph. Cf. Act
7.23,30 :
Lorsqu’il
eut quarante ans révolus, (la pensée) lui vint au cœur de visiter ses
frères, les fils d’Israël. … Quarante ans plus tard, un Ange lui apparut
au désert du mont Sinaï, dans la flamme d’un buisson en feu.) Un autre pharaon vient au
pouvoir, probablement peu de temps avant le retour de Moïse en Egypte. (Cf.
Ex 2.23
:
Longtemps
après, le roi d’Egypte mourut, et les Israélites gémissaient encore sous
la servitude et poussaient des cris…)
L’Exode
a été un temps calamiteux pour le pays et le peuple égyptien. Les 10 plaies ont
dû mettre le pays à genoux. Toutes les récoltes étaient détruites, le cheptel
exterminé, des morts par milliers ou dizaines de milliers, l’armée et le
pharaon au fond de la Mer des Joncs. (Ex 8.20 : L’Eternel fit ainsi. Il vint une masse de mouches
venimeuses dans le palais du Pharaon, dans la maison de ses serviteurs et dans
tout le pays d’Egypte; le pays fut dévasté par les mouches. 9.6 : L’Eternel fit ainsi, dès le lendemain. Tout le
cheptel de l’Egypte mourut, et il ne mourut pas une (bête) du cheptel des
Israélites. 9.10
: Ils prirent de la suie de fourneau et se
tinrent devant le Pharaon; Moïse la jeta vers le ciel, et elle produisit sur
les hommes et sur les bêtes des ulcères avec une éruption de pustules. 9.24,25 : Il y eut de la grêle, et le feu se mêlait avec la grêle;
elle était si violente qu’il n’y en avait pas eu de semblable dans tout le
pays d’Egypte depuis qu’il existe comme nation. La grêle frappa, dans tout
le pays d’Egypte, tout ce qui était dans la campagne, depuis les hommes
jusqu’aux bêtes; la grêle frappa aussi toute l’herbe des champs et brisa
tous les arbres des champs. 9.31,32
: —Le lin et l’orge avaient été frappés, parce
que l’orge était en épis et le lin en fleur; le froment et l’épeautre n’avaient
pas été frappés, parce qu’ils sont tardifs— 10.6,7 : elles rempliront tes maisons, les maisons de tous tes serviteurs et les
maisons de tous les Egyptiens. Tes pères et les pères de tes pères n’auront
rien vu de pareil depuis qu’ils ont existé sur ce territoire jusqu’à ce jour.
(Moïse) se retira et sortit de chez le Pharaon. Les serviteurs du Pharaon lui
dirent : Jusqu’à quand cet homme sera-t-il pour nous un piège ? Laisse partir
ces gens, et qu’ils servent l’Eternel, leur Dieu. Ne reconnais-tu pas encore
que l’Egypte périt ? 10.14,15
: Les sauterelles montèrent sur tout le pays
d’Egypte et se posèrent dans tout le territoire de l’Egypte; c’était si
grave qu’auparavant il n’y avait jamais eu tant de sauterelles et qu’il n’y en
aura jamais plus autant par la suite. Elles couvrirent la surface de toute
la terre, et la terre fut obscurcie; elles dévorèrent toute l’herbe de
la terre et tout le fruit des arbres, tout ce qui était resté
après la grêle; et il ne resta aucune verdure aux arbres ni à l’herbe
des champs, dans tout le pays d’Egypte. 12.29,30 : Au milieu de la nuit, l’Eternel frappa tout premier-né
dans le pays d’Egypte, depuis le premier-né du Pharaon assis sur son trône,
jusqu’au premier-né du captif dans sa prison, et jusqu’à tout premier-né du
bétail. Le Pharaon se leva de nuit, lui, tous ses serviteurs et tous les
Egyptiens; et il y eut de grands cris en Egypte, car il n’y avait point de
maison où il n’y eût un mort. 14.27-30
: Moïse étendit sa main sur la mer; à
l’approche du matin, la mer revint à son niveau habituel; les Egyptiens
s’enfuirent à son approche; mais l’Eternel précipita les Egyptiens au milieu de
la mer. Les eaux revinrent et couvrirent les chars, les cavaliers et toute
l’armée du Pharaon, qui étaient entrés dans la mer derrière les Israélites
et il n’en resta pas un seul. Mais les Israélites marchèrent à (pied)
sec au milieu de la mer, et les eaux étaient pour eux une muraille à leur
droite et à leur gauche. Ce jour-là, l’Eternel sauva Israël de la main des
Egyptiens; et Israël vit les Egyptiens morts sur le rivage de la mer. Cf. Ex 15.4 : Il a précipité dans la mer les chars du Pharaon et son
armée; ses équipages d’élite ont été submergés par la mer des Joncs. Ps
136.15 : Et précipita
le Pharaon et son armée dans la mer des Joncs..)
Le
résultat inévitable de tout ceci est un pays exsangue, ouvert à toute attaque.
Un changement de dynastie semble fort probable. Une période d’instabilité a dû
suivre l’Exode, peut-être, probablement ?, le début d’une des périodes
intermédiaires de l’histoire égyptienne. Mais ce qui est impossible, c’est que
tout a continué à fonctionner comme avant. L’Exode a dû être une des
démarcations les plus tranchantes de toute l’histoire égyptienne.
Il
est tout aussi évident que l’Exode et les siècles qui ont suivis (Cf.
Jug 11.26 : Voilà 300 ans qu’Israël habite à Hechbôn et ses
dépendances, à Aroër et ses dépendances, et dans toutes les villes qui sont sur
les bords de l’Arnon: pourquoi ne les avez-vous pas libérées pendant ce
temps-là ?)
se sont
déroulés à une époque où l’Egypte n’a pu exercer de contrôle sur le pays de
Canaan.
A
partir d’ici, on peut remonter à Abraham et descendre vers la période des rois.
D’Abraham
à Joseph
Abraham
est éloigné d’au moins 430 ans de l’Exode. (Selon Ex
12.40,41 : Le
séjour que les Israélites firent en Egypte fut de 430 ans. Au bout de 430
ans, ce jour précis, toutes les troupes de l’Eternel sortirent du pays
d’Egypte.
[La
LXX et le texte samaritain incluent en cette période le séjour en Canaan. Paul,
en Gal 3.17, suit cette lecture. LXX
:
Voici
ce que je veux dire : un testament déjà établi en bonne forme par Dieu ne
peut pas être annulé par la loi survenue 430 ans plus tard, ce qui
anéantirait la promesse… Mais cf. Gen
15.13 : L’Eternel
dit à Abram : Sache que tes descendants seront des immigrants dans un pays qui
ne sera pas le leur; ils y seront esclaves, et on les maltraitera pendant 400
ans; = Act
7.6 : Ta
descendance séjournera dans un pays étranger; on la réduira en servitude et on
la maltraitera pendant 400 ans. Si cette période
ne concerne que la période à partir du départ en Egypte de Jacob, l’époque
d’Abraham recule d’environ 100 à 150 ans.)
Vers
2000/1900 il a trouvé refuge en Egypte. Gen 12.10-20 en donne le récit. Peu de choses peuvent en
être conclues, sauf, peut-être, l’ambiance typiquement patriarcal, également en
Egypte. Notons aussi la rapidité avec laquelle Abraham parvient jusqu’au
Pharaon, le traitement de faveur qu’il reçoit et le discernement moral du
pharaon.
C’est
après cette rencontre qu’a eu lieu la destruction de la région de Sodome et de
Gomorrhe. Il est possible que cela ne soit pas resté totalement inaperçu… Mais
peu de documents nous restent de ce temps reculé.
Est-ce
que l’Egypte domine Canaan en cette époque ? Les textes bibliques n’en disent
rien.
Joseph
a dû devenir gouverneur d’Egypte vers 1880 avant Christ selon ce qui est
indiqué plus haut. Une administration centralisée est en évidence, et une
certaine méfiance envers les étrangers ressort de Gen 42.12. A la venue de
Jacob, la famille s’installe dans le pays de Gochên, appelé aussi (déjà ?) le
pays de Ramsès, Gen 47.6,11. Une des particularités de la grande famine qui
s’est abattue sur l’Egypte et sur le pays de Canaan en ce temps, c’est qu’à
cause d’elle le pays d’Egypte devient la propriété du pharaon, à l’exception
des terres des prêtres, Gen 47.20,22. Le résultat de cela était une taxe
permanente de 20% sur les récoltes, Gen 47.26.
Il
semble que Canaan soit passé sous la dépendance égyptienne, cf. Gen 50.7-11.
De
l’Exode à Roboam
Dans
le chaos qui a suivi l’Exode, Canaan échappe totalement au contrôle égyptien.
No 24.7 et 20 mentionnent la dominance d’Amalek, peuple ancien, déjà mentionné
en Gen 14.7, sur toute la région, si ce n’est sur ce qui reste de l’Egypte (“L’eau coule
de ses seaux, et sa semence (est fécondée) par d’abondantes eaux. Son roi
s’élève au-dessus d’Agag, et son royaume devient puissant.” (Balaam) vit
Amalek. Il prononça sa sentence et dit : “Amalek est la première des nations,
mais en fin de compte il ira à la perdition.”). C’est le roi Saül qui
termine cette domination, selon 1Sam 15.4-9. Mais il faudra attendre le règne
de Salomon, pour que soit de nouveau mentionné le pays d’Egypte avec son roi,
le pharaon. C’est comme si l’Egypte est rayé de la carte.
(Il
faudra mentionner ici le texte surprenant de 1Chr 4.18 : Sa femme, la Judéenne,
enfanta Yéred, père de Guedor, Héber, père de Soko, et Yeqoutiel, père de
Zanoah. Ce sont là les fils de Bitya, fille du Pharaon, que Méred avait prise
(pour femme). Ce descendant de Caleb
a vécu à quel moment pour qu’il ait pu épouser une fille du pharaon ? Bithya
est probablement un nouveau nom, fille de Yahweh. Notre avis est que Méred se
situe au temps de Saül ou de David.)
C’est
avec Salomon que s’achève ce silence. (1R 3.1 : Salomon
s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Egypte. Il prit (pour femme) la
fille du Pharaon.)
Mais la dot
que le pharaon donne pour sa fille est une ville qu’il doit aller conquérir (1R
9.16 : Le Pharaon, roi d’Egypte, était monté pour
s’emparer de Guézer, l’avait incendiée et avait tué les Cananéens qui
habitaient dans la ville. Puis il l’avait donnée pour dot à sa fille, femme de
Salomon),
signe éloquent à la fois de ce que l’Egypte avait perdu en suzeraineté et de
son retour sur la scène politique international.
Commence
alors l’époque de la richesse proverbiale de Salomon, roi d’un territoire qui
va du torrent d’Egypte jusqu’à l’entrée de Hamath, 1R 8.65 et touchera le
fleuve de l’Euphrate. Sa richesse, sa puissance et sa sagesse sont décrites en
1R 10. (le
seul poids de l’or qui arrive à Jérusalem annuellement s’élevait à plus de
22.000 kg !, 10.14)
Une telle opulence a dû faire envie !
Bien
avant la mort de Salomon, l’Egypte commence une politique agressive envers
Israël. Un des ennemis de Salomon s’était enfui en Egypte du temps de David. Il
était devenu le mari de la femme du pharaon, la reine Tahpenès, 1R 11.19, à
l’époque où Salomon en devient le gendre. Jéroboam trouvera plus tard accueil
en Egypte auprès du pharaon Chichaq, 1R 11.40.
C’est
ce pharaon qui enlèvera le fabuleux butin de la ville de Jérusalem, la ville
sainte. (1R
14.25,26 : La
cinquième année du règne de Roboam, Chichaq, roi d’Egypte monta contre
Jérusalem. Il prit les trésors de la maison de l’Eternel et les trésors de la
maison du roi, il prit tout. Il prit tous les boucliers d’or que Salomon
avait faits.)
Ce ne fut
pas le sac de n’importe quelle ville d’un royaume de seconde zone, du genre à
figurer sur un monument genre listing ordinaire.
Non
seulement, ce fut la première expédition d’une armée égyptienne hors de sa
frontière septentrionale depuis au moins 500 ans, et cela pèse lourdement sur
l’identification de ce roi, mais ce fut en même temps le début d’une époque de
gloire pour l’Egypte, enrichi au delà de l’imaginable par cette conquête. Une
telle victoire a dû trouver un écho très ample sur un monument quelque
part ! Or, le pharaon qui a réussi cet exploit doit correspondre à ces
deux critères. Sans cela, la Bible peut être fermée comme livre d’histoire.
Quelque
part dans l’histoire égyptienne, entre le début du Nouvel Empire et la
domination assyrienne, doit se situer ce pharaon qui, le premier après environ
500 ans, rétablit la domination égyptienne sur la terre de Canaan et qui ramène
au pays un trésor absolument fabuleux. Cette conquête marque le début d’une
prospérité égyptienne sans égale après la période de ‘vaches maigres’ qui a dû
suivre l’Exode.
Nous
l’avons déjà dit, ceci constitue l’autre point névralgique dans la
superposition des histoires de ces deux peuples.
D’Asa
à la captivité
Du temps
d’Asa, petit-fils de Roboam, un roi Kouchite, Zérah, vient le combattre avec
une armée de mille milliers d’hommes et de 300 chars, 2Chr 14.8. Il n’est guère
possible qu’il s’agit ici d’un chef obscur bédouin. Kouchite, c’est Ethiopien.
Pour passer en Judée, il a dû passer par l’Egypte. Mais l’Egypte était à un des
points culminants de son histoire suite aux conquêtes de Chichaq ! Il faudra
alors accepter que Zérah est le nom hébreu pour l’un des successeurs de
Chichaq. D’ailleurs, l’armée qui le suit est bien à la taille d’un pharaon. Ce
successeur de Chichaq, un Ethiopien, a donc dû subir une lourde défaite au
nord. Une défaite qu’on n’est pas près de trouver gravée sur un monument
égyptien !
Après
cela, Israël et Judée tombent dans une période assez confuse de roitelets qui
s’unissent, se désunissent, se tuent et se font tuer. Au nord, dynastie suit
dynastie, au sud, la maison de David se perpétue tant bien que mal. Mais dès
environ 750 avant Christ, l’arrière fond de cela sera la montée de la puissance
assyrienne. Le nord cherche une alliance éphémère avec l’Egypte, 2R 17.4
:
Mais
le roi d’Assyrie découvrit une conspiration chez Osée, qui avait envoyé des
messagers à So, roi d’Egypte, et qui ne faisait plus monter annuellement le
tribut au roi d’Assyrie. Le roi d’Assyrie le fit enfermer et enchaîner dans une
prison. Manifestement, la puissance égyptienne est
fortement en déclin, ce que va expérimenter également le petit royaume de la
Judée, qui cherchera en vain de l’appui contre l’Assyrie. (2R 18.21 : Voici maintenant que
tu t’es confié dans le soutien de l’Egypte, ce roseau cassé qui pénètre et
perce la main de quiconque s’appuie dessus: tel est le Pharaon, roi d’Egypte,
pour tous ceux qui se confient en lui.) Le prophète Esaïe
critique violemment cette politique.
Autour
de l’époque du roi Ezéchias, un nouveau roi ou une nouvelle dynastie a dû
prendre le dessus en Egypte. La Babylonie cherche à reprendre le pouvoir en
Mésopotamie et en Egypte le roi Néko monte sur le trône. En 608/609, il envahit
la Judée en route vers Karkémich, cf. Jér 46.2. Le roi Josias meurt dans la défense
de Méguiddo et pour un très court moment, l’Egypte est de nouveau la puissance
tutélaire en Judée, 2Chr 35.20-22; 36.4. L’Egypte disparaît alors de l’Ancien
Testament comme puissance importante, conquise par Neboukadnetsar, Jér
46.13-26.
Le
défi
Est-il
indispensable de faire violence à l’histoire telle que nous la retrouvons dans
l’Ancien Testament pour faire concorder celle-ci avec l’histoire manéthonienne
de l’Egypte ? N’y a-t-il pas une autre voie évidente, celle de considérer
l’exactitude de l’Ancien Testament et de chercher à partir de là une
concordance avec l’Egypte ? Autrement dit, ne faut-il pas enfin refuser les
diktats de l’égyptologie et poser un nouveau regard sur l’histoire pharaonique
?
Pour
cela, les deux points de départ seront obligatoirement ceux que nous avons
indiqués : l’Exode et la destruction totale de l’Egypte qu’il a causée d’une
part, la prise de Jérusalem par Chichaq d’autre part, avec l’enrichissement
fabuleux de l’Egypte. Ces deux temps forts sont séparés d’environ 500 ans
d’absence égyptienne de la scène internationale et sont datables selon l’Ancien
Testament : de ± 1450 à ± 925 avant Jésus-Christ. A partir
de là, il devrait y avoir plus de probabilité de définir les autres événements,
notamment l'époque de Joseph et le pharaon contre qui Asa a combattu. Certaines
identifications deviendraient plus faciles et plus sures, comme celle de So.
A
notre connaissance, ce défi n’a pas encore été relevé par des égyptologues.
D’autres l’ont fait. Parmi eux, le plus connu et le pionnier a été Immanuel
Velikovsky. Il a cherché à faire concorder l’Exode avec la fin du Moyen Empire
et fait de Thoutmès III le pharaon qui a engrangé le butin de Salomon. Cela le
conduit nécessairement à un certain nombre d’aménagements de l’histoire
égyptienne. A-t-il eu raison ? Sans doute pas sur toute la ligne. Par exemple,
l’identification entre Hatchepsoût et la reine de Séba n’est pas nécessairement
fondée (mais qui peut-elle être d’autre ?). Mais on peut comprendre
l’enthousiasme qui y a conduit. Cependant, la question n’est pas à prime abord
dans ce détail. L’essentiel de son argument réside dans l’identification
première : l’Exode = fin Moyen Empire, Chichaq = Thoutmès III. Cette
identification concorde avec les éléments de l’Ancien Testament que nous avons
indiqués comme étant une exigence absolue. Y en a-t-il d’autres ?
Il
n’est pas très satisfaisant de se limiter à la discordance actuelle. La
chronologie longue, autant que la chronologie courte font violence à l’Ancien
Testament. Il est temps de trouver mieux. Il est réjouissant que cela commence à être fait.
Egbert Egberts
|