La patrie et l’Etat
Nous sommes citoyens de nos pays. Et Christ a fait de nous
des citoyens des cieux, Héb 12.22,23. Ces deux citoyennetés
cohabitent souvent avec difficulté, surtout quand l’Etat
refuse de reconnaître les demandes prioritaires de Christ qui est,
pourtant, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, Ap 19.16. Que
signifie le patriotisme du chrétien ?
L’enseignement de Jésus
Que nous enseignent les textes suivants sur ce sujet ? Mt 20.25-28; Jn
18.33-38, cf. Luc 17.21; Mt 5.38-48 (Que fait Jésus des schémas
politiques habituels ?); 22.21 (Concerne l’impôt, mais faut-il
l’appliquer plus largement ? Dieu et César, sont-ils d’accord,
ou y a-t-il des loyautés concurrentes ?)
Quelle opinion, Jésus avait-il sur les motivations profondes derrière
l’Etat ? Cf. Mt 4.8-10; Jn 12.31; 15.28-25; 16.8-11; 17.9,14-18,21,23.
Est-ce que Luc 22.35-38 constitue une invitation à se servir des
armes ? cf. :51 et Jn 18.36. Est-ce que les disciples se sont mépris
sur la parole de Jésus qui se servait d’une image ?
En entrant à Jérusalem, Jésus accomplit Za 9.9,10.
Dans les tensions vives du peuple Juif (option zélote de la révolution
armée, option sadducéenne de s’entendre avec les Romains,
option essénienne de se retirer dans le désert, option pharisienne
de se réfugier dans la Loi), Jésus va un autre chemin, celui
de la croix et d’un amour sans limites. Finalement, ce sont l’Etat
et la Religion qui le crucifient.
A quoi est appelé le chrétien ?
A servir Christ. Il est devenu étranger dans son pays, Héb
11.10,13-16 (voir plus loin la citation de Diognète). Il a été
transporté dans un autre royaume, Col 1.13. Peut-il se soumettre
à ses officiers ou à son pays pour faire ce que sa foi refuse
(Act 4.19; 5.29-32; cf. 4.27-29) ? Au mieux, il aura continuellement des
problèmes de conscience. Peut-il se battre dans une guerre injuste
? Y a-t-il vraiment des guerres justes ? (Les 7 justificatifs d’une
guerre juste : 1. Dernier ressort. 2. Cause juste. 3. Attitudes pures.
4. Déclaration de guerre au préalable. 5. Espoir raisonnable
de succès. 6. Immunité des non combattants. 7. Moyens proportionnels
au mal.) Peut-il tuer son ennemi ? A-t-on le droit d’opposer son
devoir individuel à son “devoir” de citoyen de son
pays ? (c’était l’avis de Luther. En 1933, en Allemagne,
on disait que les chrétiens étaient obligés d’obéir
à l’Etat dans toutes les questions terrestres)
Mais ne faut-il pas être soumis aux autorités, Rom 13.1-7
? Paul, envisage-t-il pour autant que le chrétien aille s’engager
dans la légion ? Comment interpréter ce passage ? (cf. Yoder,
Jésus et le politique, PBU (1972) 1984)
- Explication positiviste : Tout gouvernement
est voulu de Dieu et établi par lui. Même Hitler. Il faut
donc s’y soumettre en chaque cas.
- Explication normative : Seul un gouvernement
qui respecte le cadre moral de Rom 13 peut être cautionné.
Les autres peuvent être combattus. (Zwingli, Knox, Cromwell …)
- Explication éthique : Dieu met en ordre
un monde mauvais, mais sans cautionner les différents régimes
politiques. Pas un mandat divin. Paul : ne pas se soulever contre cet
ordre. Mais pas appelés à collaborer non plus. La prise
des armes au service du gouvernement n’est pas comprise dans ce
texte. Le glaive ici est la longue dague, pas l’arme de guerre.
Le bien que poursuit l’Etat n’est pas le sien, mais le nôtre,
ton bien, :4. Rendez à chacun, cf. Mt 22.21 et 1 Pi 2.11-17.
Cf. aussi Rom 13.8 ! L’honneur dû ne peut jamais aller à
l’encontre de l’amour dû. Etre soumis (subordonné)
ne veut pas dire obéir. Il n’y a pas de tension entre Rom
13 et Mt 5.
Ces versets s’insèrent dans le contexte immédiat,
12.14-21 et 13.8-14. On ne peut pas introduire des contradictions dans
la pensée de l’apôtre ! Le devoir de l’amour
ne peut pas être suspendu pour le chrétien dès qu’il
devient serviteur de l’Etat ! Il reste non-conformiste.
L’Etat est sous le prince de ce monde. Il tend au totalitarisme
anti-Dieu qui se matérialise en Ap 13.
Si la vengeance appartient à Dieu et non au chrétien, 12.19,
peut-il réellement se mettre à exécuter cette vengeance
au service de l’Etat ?
Le chrétien appelé à prendre les armes de la lumière,
Rom 13.11-14. Il est un soldat de Christ, cf. 2Tim 2.3, engagé
dans un combat sans relâche. Il est devenu un disciple qui se charge
de sa croix à l’exemple de son Maître, cf. Ap 12.11.
Christ a triomphé des autorités, Col 2.14,15.
La croix les désarme et constitue pour nous l’arme par excellence.
Nous nous enflammons pour une autre patrie !
L’attitude de l’Eglise Ancienne
Jusqu’au IVe siècle, il n’y a pas un seul écrit
chrétien existant qui soutient la participation du chrétien
dans la guerre. Le changement s’opère avec Constantin, dès
313. Il fallait maintenant se battre pour les empereurs chrétiens
! Un siècle plus tard, il n’y a que les chrétiens
qui pouvaient servir dans l’armée.
Diognète (IIe) : “Ce que l’âme est dans
le corps, les chrétiens le sont dans le monde. … Tout pays
étranger est leur patrie et toute patrie un pays étranger.
Ils participent à tout comme des citoyens et ils supportent tout
comme des étrangers. Ils sont actifs sur la terre, mais leur citoyenneté
est dans le ciel. Ils obéissent aux lois établies, mais
dans leurs propres vies, ils surpassent largement ce que les lois demandent.”
Justin Martyr (mort en 165) : “Nous qui étions remplis
de guerre ...nous avons changé nos épées en socs...
et nous cultivons la piété, la justice, l’amour...
que nous tenons du Père par le Crucifié.”
Celse (auteur païen vers 170) : Condamnait le christianisme,
parce que, si tout le monde devenait chrétien, il n’y aurait
plus d’armée.
Tertullien (mort en 220) : Selon lui, la plupart des chrétiens
se retiraient de l’armée lors de leur conversion. “En
désarmant Pierre, Christ a défait la ceinture de tout soldat.
Comment, un chrétien peut-il faire la guerre ? Et même, comment
peut-il être un soldat en temps de paix sans l’épée
que Christ avait ôtée ?”
Canons d’Hippolyte (début IIIe) : Un soldat (chrétien)
de l’autorité civile doit apprendre à ne pas tuer
et refuser de le faire même lorsqu’on le lui ordonne.
(Dans l’armée romaine, il y avait le mélange entre
l’armée et la police !)
Origène (mort en 254) : “Nous, les chrétiens,
nous ne prenons plus l’épée contre les nations, et
nous n’apprenons plus la guerre, parce que nous sommes devenus les
enfants de la paix à cause de Christ notre Chef.” (Il cite
ensuite Es 2.4)
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